Salut à tous,
Effectivement, la question du suicide (ou des tendances suicidaires) est éminemment complexe. Et sans doute encore plus dans le domaine aéro.
Inscrit récemment, je me permets d'apporter mon point de vue de psychiatre. Précision importante : je ne suis pas médecin agréé DGAC, et je n'exerce pas en CEMPN. Je suis simplement titulaire du LAPL(A), et en tant que spécialiste au regard du sujet abordé, j'apporte mon grain de sel à la question.
La PART MED.B.055 d) est claire à ce sujet : "Le demandeur ayant des antécédents d'actes isolés ou répétés d'automutilation délibérée est
déclaré inapte. Ce demandeur doit se soumettre à un examen psychiatrique dont le résultat
est satisfaisant avant qu'une évaluation de l'aptitude puisse être envisagée". Une tentative de suicide est ainsi considérée comme un acte d'automutilation (en tout cas d'acte auto agressif, ce qui revient donc au même), et demandera donc, pour des raisons évidentes, un examen psychiatrique TRES approfondi.
On peut comprendre la volonté de vouloir cacher un tel antécédent, mais ne vaut il mieux pas être honnête, car il s'agit avant tout d'une question sécuritaire importante ? En cas d'incident ou accident, si un tel antécédent existe, il refera de toute façon surface à un moment ou à un autre. Avec toutes les conséquences, en terme de responsabilité, que l'on peut imaginer.
Cela reste, j'en conviens, difficile d'avouer un tel épisode, outre la honte que la personne concernée ressent, à laquelle s'ajoute la volonté de ne pas avoir de motif d'inaptitude.
Sans jugement aucun, je considère qu'il vaut donc mieux en parler, question de responsabilité et d'honnêteté, au regard des enjeux. Bien sûr, la question sera creusée. Mais s'il s'agit d'un épisode ancien et isolé, cela n'entraîne pas forcément une inaptitude ferme et définitive, si l'on a la certitude que le risque est bas. Mais cette question du suicide étant complexe, rien ne permet de garantir que le risque est définitivement exclu. Cela va dépendre de nombreux paramètres (histoire de vie, facteurs de risque, profil de personnalité, ressources internes qui permettent -ou pas-d'avoir dépassé cet événement, entre autres). Dans ce domaine, le risque zéro n'existe pas, et n'existera jamais. Cela peut revenir à un coup de poker.
Au final, seul le confrère examinateur aura le dernier mot, tout en sachant que oui, pour un médecin, la question de la responsabilité est lourde.
Si des règles d'aptitude ou inaptitude existent, ce n'est pas pour enquiquiner ou briser des rêves. Elles existent pour assurer une sécurité dans une activité risquée, ne l'oublions pas. Confier la conduite d'un aéronef, avec les passagers et équipages qui vont avec, ne peut pas permettre une prise de risque bien évidemment. Etre déclaré apte c'est bien, encore faut il pouvoir "assurer" ensuite, en son âme et conscience.
Le confrère qui m'a fait passer la classe 2 récemment (on se connait car on a déjà volé ensemble) m'a, entre autres, demandé si j'étais suivi par un psychiatre

Il s'agissait bien sûr d'une boutade, mais cela fait partie d'un examen systématique, ne l'oublions pas. Et il m'a avoué que depuis l'affaire Lubitz, bon nombre de médecins aéro sont pointilleux à ce sujet. A juste titre.
Bref, je pense qu'il reste important de ne pas masquer ce genre de choses. Je sais que les enjeux sont importants. Cependant, nous devons tous agir avec responsabilité dans notre domaine.
Fly safe.