BiZ a écrit :Le chat blanc a écrit :Je ne comprends pas où est le sophisme. Je dis qu’il n’y a pas de surcoût des pilotes puisque, en supportant le même coût, d’autres boîtes sont bénéficiaires. C’est bien que le problème est ailleurs, sinon personne ne rémunèrerait les pilotes comme AF, voire mieux. Même Janaillac affirmait dans une interview à la radio que ses pilotes étaient au prix du marché quand le journaliste lui ressortait le bon vieux cliché des pilotes qui plombent la boîte avec leurs conditions de divas.
Quant à la logique économique absente de nombreux services, tu prêches un converti.
Les surcoûts doivent être contrôlés là où ils se trouvent, rien dans mon raisonnement ne laisse penser le contraire.
Les syndicats donnent régulièrement quelques pistes, la direction en suit parfois quelques unes, mais s’attaque d’abord au «coût» du travail comme le confiait, un peu bourré, De Juniac à Royaumont.
C'est un sophisme parce que, entre autre, c'est un raisonnement toutes choses égales par ailleurs. Or ce genre de raisonnement ne vaut que sur le papier en simplifiant les choses à l'extrême. Un exemple, imaginons que l'on soit payés 100, dans un compagnie à 1000 pilotes et 5000 PS. La boîte d'à côté à des pilotes payés 100, 1000 pilotes et 4000 PS. La boîte d'à côté fait de l'argent avec des pilotes payés 100, et nous n'en faisons pas. Tu me dis que ce n'est pas la faute des pilotes parce qu'à côté, ça marche. Sauf que si dans l'autre boîte tu n'as pas les 35h, que les charges sociales sont moins élevées sur les PS, tu n'as pas la même règlementation sur les syndicats, les mêmes journées de délégation, les mêmes obligations de CE et, les coûts sont particulièrement réduits par rapport à chez nous, ça leur permet d'avoir 1000 PS de moins. La question est donc simple: qui doit prendre en charge ce delta de coûts? L'ensemble de l'entreprise? Les PS seulement? C'est là que le bât blesse, on n'est pas seuls dans une bulle.
D'autre part chacun fait comme si ce qui comptait c'était les salaires nets. Mais ce qui entre en compte dans le prix du billet, c'est le salaire chargé.
Ensuite ces histoires de productivité ce sont des fadaises si on ne les mets pas en face des coûts. Tu as beau voler 800h par an, ce qui est énorme et contredit les "enquêtes" très fines de nos amis journaleux, si la boîte débourse 30% de plus que pour le mec qui en fait 700, ça ne va pas rendre une compagnie compétitive. Le pompon c'est la comparaison avec les pilotes US: demain si leur entreprise va mal, ils sont virés. Nous on a quand même passé l'hiver avec des salaires au mini garanti à voler 8 jours par mois, c'est une sacré protection.
Pour finir on n'est pas au prix du marché. Si demain tu baisses les conditions de 10%, combien de pilotes se barrent à la concurrence? Combien accepteraient de venir bosser pour -10% à Air France? Soit on accepte toutes les conséquences de ce que veut dire marché, soit on s'abstient d'utiliser cet argument, c'est un peu tarte à la crème.
Maintenant ce n'est pas une raison pour tout diminuer sans regarder ce qui se passe à côté, mais je n'aime pas ces arguments parce qu'ils sont faux et simplistes. Je préfèrerais que notre syndicat assume sa position pour ce qu'elle est: nous ne voyons pas de raisons de demander des efforts aux pilotes alors qu'il y a tant de gisements d'économie à faire à côté, tant de dysfonctionnements structurels, d'organisation en silo à revoir etc. La volonté de s'attaquer aux pilotes venant uniquement des jalousies vis à vis de nos salaires et du fait que chaque pouillème gagné rapporte gros étant donné notre masse salariale. Parce que la réalité, c'est ça, et ça ne tient que par un rapport de forces favorable. Le reste ce sont des histoires qu'on se raconte pour objectiver notre volonté de ne pas voir notre contrat revu à la baisse, mais ça ne tient pas deux minutes face à une analyse rigoureuse.
Merci pour cette explication détaillée.
Les lecteurs les plus attentifs auront remarqué que je n’ai pas parlé de salaire net pour baser ma réflexion, mais que j’ai préféré le terme de «coûts», qui englobe, entre autres, le salaire net, et nombre des considérations que tu as listées.
Pour reprendre ton exemple, si la boîte d’à côté a des conditions d’utilisation de son PS plus avantageuses (du point de vue du patron), ce n’est pas aux pilotes de chez nous de baisser indéfiniment leurs conditions, mais aux autorités de faire en sorte que tout le monde joue selon les mêmes règles. Or je vois plus d’attaques envers nos salaires jalousés qu’envers la concurrence déloyale, les détournements de subventions publiques, les moyens de contourner la fiscalité... Si les salariés suivent sans broncher ce cycle vicieux, ils se retrouveront un jour tous alignés sur le salaire moyen du Bangladesh.
Dans tes deux boîtes, les pilotes coûtent 100. Dire que leur coût n’est pas la raison des difficultés d’AF est une observation logique, pas un sophisme. Les déductions que certains en tirent peuvent en être. Mais je n’ai rien écrit d’autre.
Pour rappel: pour prouver qu’une affirmation est fausse, il est suffisant (mais pas nécessaire) de lui trouver un contre-exemple. À l’affirmation: Air France va mal à cause du coût de ses pilotes, je réponds par l’assertion que tu critiques et extrapoles. Cette extrapolation peut être fallacieuse. Mais ne me la prête pas tant que je ne l’ai pas écrite.
En d’autres termes, toi et moi avons une vision très proche du problème, mais ne me taxe pas de sophisme, je me suis contenté d’un raisonnement logique et simple.
Quand tu expliques que nous ne sommes pas au prix du marché parce que, malgré une baisse de 10% de nos conditions, peu quitteraient la boîte et nombreux sont ceux qui la rejoindraient, je peux te retourner ton épithète de sophiste.
Je ne partirais pas parce que je suis ancré à Paris. D’autres qui ne le sont pas iraient chercher plus d’argent ailleurs. D’autres refusent déjà de venir (j’en connais) parce qu’ils sont mieux rémunérés (par heure de travail, assurances, éducation des gosses, retraite comprises, etc.) et plus heureux dans d’autres pays.
D’après les benchmarks intersyndicaux, si on fait confiance à ceux qui y ont accès, on est bel et bien au prix du marché.
Si même Janaillac, qui a tout intérêt à nous laisser croire que nous sommes plus chers qu’ailleurs, dit publiquement que nous sommes au prix du marché, quelles données as-tu pour affirmer le contraire?
Pour compléter les infos de Flo, ayant été formé par le SEFA comme cadet, nous y étions logés et nourris et recevions autour de 650€ nets par mois si mes souvenirs sont précis. Les revenus augmentaient ensuite à l’issue de la formation sur avions à pistons.
Aujourd’hui, avec mon salaire de copi A320, j’habite confortablement dans le centre de Paris, n’ai jamais possédé de bagnole et vais bosser en RER. Je garderai par contre pour moi mes capacités d’épargne, ma situation familiale ayant quelques aspects singuliers, elle n’est pas représentative de la population.