Dégivrage de l'extrados

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Le chat blanc
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Dégivrage de l'extrados

Message par Le chat blanc »

Bonjour à tous.

Lorsque, notamment pour des raisons économiques, un équipage souhaite se poser avec un peu de kéro dans l'aile, il arrive que celui-ci soit encore en contact avec la surface supérieure du réservoir en fin de vol (s'il en reste plus de 4,8T sur A320 par exemple). Si la croisière a un peu duré, ce kéro s'est refroidi et, en contact avec l'extrados, peut provoquer la formation de gelée blanche sur celui-ci lorsque l'avion traverse une masse d'air humide, même chaud.
Le dégivrage alors nécessaire, lorsqu'il est possible pendant le demi-tour, réduit à néant l'économie faite en transportant cet excédent, sans même parler des conséquences écologiques.
Un collègue m'a mentionné une pratique consistant à enclencher le dégivrage des bords d'attaque pendant la descente afin de créer une fine pellicule d'air chaud autour de l'aile et d'ainsi limiter la formation de givre blanc sur l'extrados. Cette manip ne figure nulle part dans nos procédures et je n'ai aucune idée de son efficacité supposée. En avez-vous entendu parler dans vos compagnies respectives? Si oui, sur quels types d'avions? Savez-vous si les constructeurs se sont déjà posé la question de cet usage particulier? Quid de la dégradation des performances liée au prélèvement d'air sur les moteurs par rapport à celle des coefficients de portance et de traînée d'une aile contaminée?

Merci pour vos retours et meilleurs voeux pour 2021!
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5 Rings
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Re: Dégivrage de l'extrados

Message par 5 Rings »

Meilleurs voeux le chat!

Jamais entendu parlé de cette technique, nul part.

Après en réfléchissant quelques instants sur la physique du truc, on peut déjà se dire que le wing anti-ice permet en fait que la glace des bords d'attaques glisse dans le vent relatif sur un film d'eau (celui-ci n'accroche pas sur la peau de l'avion comme le fait la glace). L'air circule très vite sur le profil de l'aile et il est très mauvais conducteur thermique.

De plus dans les zones ainsi chauffées sont clairement délimitées et en dehors de ces zones, nulle protection n'est à attendre. Cela rappelle aussi les "théories" disant que rester dans le jetwash de l'avion précédent nous protège de la contamination, alors qu'en fait ce ne fait que bousiller la couche de type IV s'il a fallu anti-givrer, et réduire/compromettre ainsi la protection de l'avion. Quant à considérer la quantité de froid emmagasinée par des tonnes de fuel et l'inertie énergétique pour réchauffer tout ça et donc luter contre la formation de givre blanc, c'est juste une lubie et un manque total d'idée de l'ordre de grandeur de l'énergie mise en jeu.

Par exemple, j'ai déjà eu une belle quantité de fuel à -30c à l'atterrissage, température extérieure 31c, air clair, pas un nuage, bel écart entre température et point de rosée...le givre s'est formé dès l'arrivée au parking et n'a commencé à donner signe de disparition qu'au bout de 30 minutes, avec des réservoirs juste à 0 ou -1c. Une différence de 60 degrés et 30 minutes ont tout juste suffit à vaincre le phénomène.

Si le wing anti-ice était assez puissant pour réchauffer l'air qui circule autour du profil de l'aile, on aurait des sacrées surprises en aérodynamique du reste, parce que la portance ça se passe sur la couche limite, vraiment très très fine. Déjà qu'on voit l'effet des Delta ISA sur les performances haute altitude alors qu'on est toujours en territoire bien négatif, je n'ose imaginer le résultat si on arrivait à des températures suffisantes pour lutter contre le givre.

Sans sortir d'équation et à la lumière de l'observation de ces phénomènes dans ma carrière, je classerai cette théorie dans la catégorie des fumisteries :xlol:
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JAimeLesAvions
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Re: Dégivrage de l'extrados

Message par JAimeLesAvions »

Je me rappelle avoir lu, probablement sur pprune, l'histoire d'un équipage qui avait utilisé cette technique pour éviter que le fuel ne passe en dessous de la température mini, en croisière par temps très froid.
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5 Rings
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Re: Dégivrage de l'extrados

Message par 5 Rings »

quand on est face au problème de la limite de température du fuel, les docs constructeurs sont convergentes: descendre chercher une température moins basse, ou accélérer pour tenter d'augmenter la TAT en augmentant le réchauffement cinétique.
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Le chat blanc
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Re: Dégivrage de l'extrados

Message par Le chat blanc »

Merci pour vos réponses.
5 Rings je parviens aux mêmes conclusions que toi.
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JAimeLesAvions
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Re: Dégivrage de l'extrados

Message par JAimeLesAvions »

Ces problèmes de transfert de chaleur résistent en général aux calculs, car aucun modèle ne rend compte correctement de l'échange de chaleur, échange de chaleur qui dépend souvent de manière inattendue de paramètres extérieurs.
On pourrait noter les variation de température du kérozène à chaque fois qu'on utilise le réchauffage du bord d'attaque, mais il faudrait que ce soit à TAT constante, avec un fuel à sa température d' équilibre et pendant suffisamment longtemps.
Hors les seuls cas où je suis resté en conditions givrante, c'est soit en montée, soit en descente, soit en approche, et donc jamais avec un fuel à la température d'équilibre. Donc je ne vois pas comment on pourrait évaluer l'influence du réchauffage du bord d'attaque sur la température du carburant
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JAimeLesAvions
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Re: Dégivrage de l'extrados

Message par JAimeLesAvions »

On pourrait quand même faire un calcul simple: combien de fuel consomme le dégivrage de bord d'attaque?
Ca donnerait un majorant du nombre de calories disponible pour réchauffer le fuel (majorant car cette chaleur doit en majorité être perdue et servir à réchauffer l'air ambiant)
Si déjà on voit que c'est très insuffisant, on aura une réponse à la question.
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Lowrider
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Re: Dégivrage de l'extrados

Message par Lowrider »

bonne idée oui.

alors le FCOM 320 par exemple pour une descente du FL390 sur un profil M.78/300kts/250kts, ISA et 65t (ce qui correspond aux inners assez remplis pour que le fuel mouille la partie supérieure des réservoirs), consomme pour toute la descente 170KG.

La pénalité pour l'utilisation de l'engine anti-ice est de 3.5%, et full anti ice 49%, donc 44.5% pour les wing anti ice soit environ 80KG de fuel.

Si 80KG de jet A1 brûlé dégagent assez de calories pour contrer le potentiel de froid de 9T de carburant à -30/-40°, je pense qu'on aura trouver une sacrée formule magique .

Pour comparaison, le fuel qui circule autour des IDG pour les refroidir se retrouve dans les réservoirs externes. Ce fuel là est passablement réchauffé par les IDG qui tournent à 90°/100°c environ. Quand le fuel d'un des inners tombe à 750KG, les outers se déversent automatiquement dans les inners, soit 700KG par côté (pas 80) et cela ne change pas la face du monde au niveau de température du fuel dans les réservoirs.
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JAimeLesAvions
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Re: Dégivrage de l'extrados

Message par JAimeLesAvions »

J'ai trouvé sur internet qu'il faut 2kJ/kg pour élever d'un degré la temparture du kérozène,
Donc pour élever de 35°9tonnes de carburant il faut 2x9000x35=630 000 kJ

J'ai lu aussi qu'un kg de kérozène qui brule dans l'air dégage 40000 kJ
Donc 80kg dégagent 3 200 000 kJ

Si je ne me suis pas trompé bien sûr..

Donc on ne peut pas conclure grand chose car une grande partie de la chaleur dégagée par le surplus de fuel brulé doit partir dans l'air.
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Dubble
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Re: Dégivrage de l'extrados

Message par Dubble »

Par contre si on canalisait cette chaleur vers les réservoirs avec un petit feu interne (la bonne idée :lol: ) on aurait bien de quoi réchauffer tout ce fuel !
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Baade152
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Re: Dégivrage de l'extrados

Message par Baade152 »

Hello,

Il n'y a pas de tolérance de givre sur l'extrados, en revanche, il est toléré 3 mm d'épaisseur sur l'intrados. Mettre le dégivrage ailes (en fait dégivrage des bords d'attaque) ne sert à rien. Il faut attendre ou faire dégivrer l'aile. J'ai pas mal fréquenté Beyrouth et même avec 10 ou 15 ° dehors, l'emport carburant (tankering) faisait que l'extrados était couvert de givre dans la zone des réservoirs d'aile.

Sur 737, il y a une tolérance de givre dans une zone peinte sur l'aile. Cherchez avec CSFF= cold soaked fuel frost. C'est bien expliqué dans le FCOM et dans les doc Boeing, mais de mémoire les restrictions ont été réduites.
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Baade152
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Re: Dégivrage de l'extrados

Message par Baade152 »

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Sur la 1 ère vue, on voit que la position physique du réservoir d'aile du 737, qui est éloigné des bords d'attaque. Le réservoir d'aile commence à la "station" STA 204.25 = référence longitudinale avion et se termine à la STA 643.5. On y voit la WBL = référence verticale à partir du quasi fond de l'avion, WBL 346 correspondant à 1070 USG de fuel dans l'aile, qui est la limite de la zone peinte sur l'extrados de l'aile

Sur la 2 ème vue, les positions où affleure le carburant dans la zone peinte sur l'aile.
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Lowrider
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Re: Dégivrage de l'extrados

Message par Lowrider »

à ma connaissance, il n'y a pas d'équivalent sur A320. C'est clean wing pour l'extrados.
Expérience Pavlovienne#1:
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Baade152
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Re: Dégivrage de l'extrados

Message par Baade152 »

C'est vrai, mais il existe une procédure sur 330 en cas de température fuel très basse, et qui demande quand l'alarme de déclenche de transférer le carburant des réservoirs les plus extérieurs vers le réservoir du centre de l'aile ainsi que de transférer du carburant du réservoir central vers le réservoir proche de l'emplanture de l'aile.

Mais cela n'a pas à voir avec le givrage de l'extrados. Cela dit la doc technique Airbus ne néglige pas le renvoi du carburant vers les réservoirs d'aile, carbu réchauffé par le refroidissement de l' IDG.

Sur les gros modules Airbus, Il existe une procédure au sol, pour transférer le carbu des réservoirs extérieurs dont le carbu est le plus froid.
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Baade152
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Re: Dégivrage de l'extrados

Message par Baade152 »

Illustration sur A 330 et 340 pour la procédure vol:

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Re: Dégivrage de l'extrados

Message par Baade152 »

Illustration sur A 330 et 340 pour la procédure sol:

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En vol, léger givrage de la peau sur un 737:

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