SR71_Blackbird a écrit :un équipage d'AF m'avait dit qu'un A320 coutait, coque+pétrole dans les 10 000eur/h (j'ai un doute si l'équipage et l'assistance/personnel sol étaient inclu ou pas), et c'était il y 5-6 ans deja...
Et moi j'ai un gros doute quant à la manière dont cette estimation avait été faite par les collègues...
Je n'ai pas LA réponse à la question initiale, mais voici une piste. Dans chaque avion moyen-courrier, on a plus de la moitié des passagers qui sont en correspondance sur le long-courrier, que ce soit au départ ou à l'arrivée. Or dans le coût d'un billet LC + MC, la part du MC est ridicule, parfois de l'ordre de l'euro. On voit même des billets moins cher en correspondance MC qu'en point à point LC sur la même destination, ce qui revient à dire pour simplifier grossièrement qu'on donne de l'argent au pax pour qu'il prenne le vol MC avant ou après son LC. Forcément de cette manière la recette du MC peut difficilement s'améliorer. Cela explique pourquoi les gens du MC ressentent parfois mal certaines critiques venues du LC étant donné que les deux activités sont indissociables, puisqu'elles sont à la base de la gestion d'un hub tel que mis en place depuis 20 ans à AF.
Pour ce qui est des recettes, AF est reconnue au niveau mondial pour avoir un des services de yield management les plus performants, c'est même elle qui a introduit le concept en France et certains des ces anciens cadres ont été débauchés par des compagnies du Golfe... On peut donc légitimement leur faire confiance pour faire payer le juste prix à nos passagers (j'entends par là juste pour la compagnie évidemment). Les billets sont donc au bon prix et en effet les remplissages sont corrects pour l'activité passage. Ce qui plombe donc la compagnie, si on fait exception du cargo où le remplissage n'est pas au rendez-vous, ce ne sont donc pas les recettes mais les coûts, c'est du moins ce qu'on nous répète depuis des années.
Quand on compare les salaires des navigants à ceux du reste de l'industrie, du moins ceux comparables, c'est à dire les majors européennes et certaines compagnies low-cost ou low-fare du type Easyjet, on constate que si nous ne sommes certes pas les moins bien payés, nous ne sommes pas non plus les mieux payés mais plutôt dans la moyenne. Cependant évidemment il convient de ramener cela à la productivité, chose facilement calculable pour un PN puisque directement liée au nombre d'heures qu'il fait. Vu sous cet angle, on constate que les captains LC qui bossent beaucoup en ce moment restent dans la moyenne de l'industrie et que les captains MC n'en sont pas loin. Les copis LC sont avantagés par un système de calcul de paye archaïque mais étant donné qu'ils sont pour partie d'entre eux au taquet (on parle d'annulation de vols cet été sur 340 pour cause de manque de copis), ils restent dans la norme de ce qui se fait ailleurs. Quant aux copis MC, forcément, à 40 heures par mois, on est bien mieux payés que la concurrence.
Quelle est donc la solution ? Logiquement elle serait de diminuer les salaires : il s'avère que c'est illégal. Le choix a donc été fait sur ce point de bloquer les évolutions pour quelques années, cela a été fait l'an dernier. La deuxième logique serait de licencier. Le problème c'est que si la compagnie licencie pour éponger le sur-effectif, elle est confrontée au risque de se retrouver en sous-effectif très rapidement dès la reprise des départs en retraite fin 2014. En effet il ne faut pas oublier que ce sur-effectif est directement induit par le passage à la retraite à 65 ans, arrivé de manière abrupte au pire moment. Or si comme après les crises de 1993 et de 2001-2003 la compagnie se trouve en sous-effectif pilote, elle sera gravement handicapée, cela avait été le cas en 2006-2007 où durant des années fastes la croissance avait été limitée par le rythme des intégrations pilotes et la saturation des moyens d'instruction. Un pilote pour le former cela prend de 3 ans pour un cadet à 1 an pour un externe. Il faudrait donc commencer à embaucher maintenant pour compenser un sous-effectif induit par une reprise des départs en retraite + un licenciement économique en 2013. Or non seulement rien ne garantit qu'il n'y aura pas une aggravation de la crise fin 2014- début 2015 rendant caduque la nécessité d'embauche et surtout, la loi française interdit de faire des licenciements économiques si des embauches sont en cours ou prévues dans le même temps. Il devient donc très difficile pour la compagnie de gérer un cycle de licenciement - embauche pour ses pilotes. La solution choisie a donc été de privilégier les départs volontaires, via un PDV qui va être renouvelé, ce qui ne lie pas les mains de la direction en cas de nécessité d'embauche. De plus il y a des incitaions à prendre du sans-solde sur MC, ce qui diminue les coûts salariaux tout en gardant sous le coude le personnel disponible en cas de reprise.
Voilà ce que l'on peut dire sur les coûts salariaux pilotes.
Concernant les PNC, j'ai bien moins de billes pour en parler, mais ce qui est sûr c'est que l'activité a repris pour eux, notamment grâce à la densification des rotations. Celles-ci étant dorénavant communes PNC-PNT, il en va de même évidemment pour les pilotes. Je passe sur les diminutions d'indemnités repas, la diminution de la qualité et de la quantité des prestations repas à bord, etc... Cela joue certes un peu mais vraiment à la marge.
Un benchmark avait été fait pour comparer les coûts PNC à ceux de nos concurrents et là aussi il s'avèrait que nous n'étions pas éloigné de la norme. Une exception avait quand même été notée au niveau de l'encadrement, pléthorique, une espèce d'armée de colonels. Cela serait en cours de résolution parait-il...
Vient le coût du sol... Là forcément on ne lutte pas dans la même catégorie. Passons sur la maintenance qui est une des rares activité qui fait rentrer de l'argent dans les caisses bien plus qu'elle n'en sort. Pour ce qui est du personnel "de bureau", il y a manifestement des abus d'après un paquet de témoignages de gens y ayant passé du temps ou d'après des constatations que j'ai pu faire moi-même. Cependant je me méfie comme de la peste de ces quelques aperçus. S'ils peuvent être la simple partie émergée de l'iceberg, il peuvent aussi être une représentation déformée de la réalité dans le sens où quand on veut se persuader de qqch, on ne voit que ce qui nous arrange. Ce que je veux dire, c'est que quand je vois toujours les mêmes 4 personnes à la machine à café, je ne vois peut-être pas les 40 autres qui n'y sont jamais. Il est donc difficile de porter un jugement éclairé sur leur activité.
Si l'on veut nous comparer à Easyjet, c'est facile. Eux n'ont pas de CCO, pas de service d'assistance sociale, sûrement pas le même médical, etc... Maintenant doit-on sacrifier ces services sur l'autel de la rentabilité à tout prix ? Doit-on pour faire plaisir à l'actionnaire qui veut encore plus de retours sur son investissement sacrifier des services qui peuvent aider des personnels en difficulté ? C'est un débat de société, qui se situe bien au-dessus de cette pauvre entreprise.
Une chose est sure, la chasse aux sorcières est ouverte au siège.D'après les bruits qui courent, on demande à tous les chefs de service de dégraisser, de ne pas embaucher, de réduire leurs coûts, sous peine d'être eux-même mis dehors. Du coup dans un moment où la compagnie a besoin de se réformer, on est dans l'immobilisme le plus complet, personne n'osant prendre de décision ou lancer de projet qui à court terme coûterait un peu de pognon même s'il en rapporterait à long terme...
Reste les escales. Je peux vous dire que pour beaucoup d'entre elles en Europe, ça a saigné. Externalisation, diminution d'effectifs, contrats précaires, intérim, etc. ont frappé les sociétés d'assistance et les escales AF du réseau. En Allemagne, un coordo d'une société de handling m'a dit avoir été prévenu par sms durant ses vacances que son poste était externalisé quand il reviendrait... La participation des personnels des escales à l'effort de la compagnie est énorme. Hélas pour beaucoup d'entre eux, la perspective de devoir à nouveau donner entraine une démotivation certaine, toujours préjudiciable à la qualité du service, même si à mon niveau je n'ai heureusement pas noté de dégradation de la sécurité.
Mais en même temps on voit aussi à certains endroits des escales où rien n'a bougé et où les personnels prennent AF pour une vache à lait exploitable à merci pour leur seule tronche. Des endroits où les effectifs sont très très largement sur-dimensionnés mais où la qualité du service n'est pas au rendez-vous. On voit des boîtes d'assistance à Paris qui bossent pour nous et dont les personnels sont en grève continue depuis UN AN !
Ces personnes plombent énormément les comptes de la compagnie et portent pour certaines une part non négligeable de responsabilité dans l'échec de certains projets de la boîte...
On pourrait s'y attaquer mais on quitte le domaine de l'entreprise pour celui du politique, cela dépasse donc le stade de la simple bonne volonté de la compagnie pour y mettre un terme...
Si on ajoute à tout ça le prix du pétrole, quasiment pas acquitté par les concurrents du Golfe, le poids des impôts, taxes et autres charges en France et la concurrence déloyale de certains opérateurs subventionnés ou aidés politiquement (tu me prends des Airbus je te donne des slots), cela fait un paquet d'obstacles à passer pour redresser la compagnie.
Cependant, il ne faut pas oublier une chose, ce sont les aléas du monde de l'entreprise. Par le passé quand AF a pu enc... des concurrents, elle ne s'est pas gêné de le faire, avec l'appui du politique si besoin. De là à dire que c'est un juste retour des choses il y a un pas que je ne franchirai pas par méconnaissance des affaires, mais c'est le lot de toute entreprise que de connaitre des hauts et des bas.