Et pourtant on y trouve des entreprises du BTP et même une cimenterie (Vicat). Pour info, l’industrie cimentier représente 2,9% des émissions de CO2 en France ( Lien) ce qui est équivalent à l’aérien.
En fait, c’est relativement clair. Le TGV est un moyen plus efficace que l’avion en terme de résistance spécifique. D’un point de vue théorique, ça correspondrait à un avion avec une finesse de 60.Dubble a écrit : ↑02 juin 2020, 10:54Tu vois tu as été bercé par des années d'information prête à penser, parce qu'en réalité si tu te poses la question convenablement, la réponse est loin d'être "claire".Je ne vais pas m'immiscer dans le débat train/avion, il est clair que de transporter X Pax sur des rails à l'énergie Nucléaire est moins générateur de CO2 que de sustenter X Pax à 36000 ft avec du kéro
Par exemple pour quelqu'un de 50 ans sans enfant, l'avion est la bonne réponse.
Voir Lien et Lien. Qui plus est, le TGV est alimenté au Nucléaire donc le bilan carbone, en France, est forcément plus faible que celui de l’avion.
Cependant, ta remarque et le temps libre que j’ai en ce moment m’ont poussé à creuser un peu. Après quelques heures pour trouver des données robustes, j’arrive aux données suivantes:
-B737 MAX 8 Utilisation LC (Densité 85%): 55 gCO2/pax.km (66)
-A320 NEO Utilisation LC (Densité 85%): 57 gCO2/pax.km (69)
-A220-300 (config AF) Utilisation LC (Densité 80%): 71 gCO2/pax.km (86)
-A320 CEO Utilisation LC (Densité 85%): 67 gCO2/pax.km (81)
-TGV haute densité (Duplex) (Densité 65% (P.24)): 3,15 gCO2/pax.km
Pour l’avion, je n’ai pas pris en compte le CO2 lié à l’extraction du kérosène car il me semble plus juste de l’imputer aux compagnies pétrolière (sinon cela signifie que les compagnies pétrolières ne sont pas responsables du CO2 émit pour produire ce qu’elles vendent, elles seraient donc championnes du zéro-émission). Donc 1l de kéro brûlé = 2,52kg de CO2 (Lien). Les chiffres prenant en compte l’extraction sont entre parenthèses.
Pour le train, je retrouve le même ordre de grandeur que le chiffre publié par la SNCF (Lien). Cependant il tient compte d’une énergie déjà transformée à l’origine 100% Française (soit 48 geCO2/kWh) Lien
Dans cette méthode de calcul, il y a une différence fondamentale qui avantage le train: l’énergie électrique utilisée par le train est déjà transformée tandis que l’avion transforme de l’énergie brute (kérosène) en déplacement. Or la production d‘électricité produit du CO2: pour le domaine du transport, c’est 48 geCO2/kWh en France, 420 geCO2/kWh de moyenne européenne (Lien)
et jusqu’à 522 geCO2/kWh pour les USA, 623 geCO2/kWh pour la Russie, 766 geCO2/kWh pour la Chine, 841 geCO2/kWh pour l’Australie Lien. En prenant un taux de pertes électriques de 7% sur le réseau (P.4 de ce Lien et P.37 de ce Lien), cela me donne:
-Equivalent émission CO2 TGV Europe: 30 gCO2/pax.km
-Equivalent émission CO2 TGV USA: 37 gCO2/pax.km
-Equivalent émission CO2 TGV Russie: 44 gCO2/pax.km
-Equivalent émission CO2 TGV Chine: 46 gCO2/pax.km
-Equivalent émission CO2 TGV Australie: 59 gCO2/pax.km
Note: Ces pays sont ceux qui exploitent le plus l’aviation pour des liaisons domestiques.
Note: La plupart de ces pays ne sont pas équipés en trains efficaces type TGV. Un exemple des émissions de CO2 liées au train pour chaque pays européen P.137 de Lien
On remarque que c’est du même ordre de grandeur qu’un avion récent exploité en LCC! Ça ressemble à un tour de magie, mais pas tout à fait:
- Le train est plus lourd que l’avion (TGV Duplex: 424t (Lien)/ 510 Pax soit 804kg/Pax et 747-8: 375t (moyenne croisière) / 530 pax soit 708kg/Pax)
- Le train est moins rempli (65% taux d’occupation P.24 de Lien vs Avion 747-8 International 75% taux d’occupation P.27 Lien)
Une autre méthode de calcul en me basant sur l’analyse carbone de la ligne Rhin-Rhône me donne (toujours en considérant une électricité majoritairement nucléaire):
- TGV haute densité (Duplex): 6,7 gCO2/pax.km (Hypothèses: Longueur de voie 280km (2 sens), 635000 teCO2 pour l’énergie de traction sur 30 ans (Lien) et 11,2 millions de voyageurs / an (Lien) )
C’est toujours peu, mais c’est du simple au double par rapport au 1er calcul. Je n’explique pas vraiment cette différence, si ce n’est le fait que les auxiliaires (climatisation, éclairage…) sont pris en compte. Il y a probablement une forte variabilité dans les données de base
Une autre étude "artisanale" (mais indépendante) donne également des résultats plus mesurés par rapport aux communications de la SNCF et de Jancovici Lien
Cette autre analyse d'un ingé X/Ponts montre également que les études surestiment généralement les gains lié au TGV. Le bilan carbone ajusté d'une ligne TGV/LGV devient rentable au bout de 50 ans (durée de vie maximale d'une voie ferrée).
Bilan: Le TGV, c’est propre moyennant un bon taux de remplissage et une électricité PROPRE (minorité de pays), cependant il y a pas mal de limites au ferroviaire:
- Les émissions CO2 liées aux infrastructures et à leur entretien ne sont pas prises en compte. Or comme le soulignait Dubble, le coût CO2 est colossal et l’idée de l’amortir sur X années très discutable car le CO2 est déjà dans l’atmosphère. Pour avoir un ordre de grandeur, la construction d'une LGV émet 6000 tCO2/km (P.48 du Lien). Soit 3780000 t/CO2 pour une ligne telle que Bordeaux-Paris. Cela correspond environ à 540000 vols d'A320NEO! (74 ans à 20 vols/jour)
- Les calculs ci-dessus ne s’intéressent qu’aux TGV, les plus efficaces en termes d’émissions. Le parc SNCF comportent cependant de nombreux trains diesel (21% Diesel/Bi-mode - P16 du Lien)
- Les taux de remplissages des trains hors TGV sont bien plus faibles: 40% Intercités, 26%TER, 27% Transilien (P24 du Lien)
- Contrairement à l’avion, le réseau en étoile autour de Paris ne permet pas d’optimiser les distances parcourues, surtout sur les distances transversales
- La SNCF est très opaque sur la provenance de son électricité. Par exemple, en 2006 elle a signé un contrat avec l’ex-SNET suite à l’augmentation du prix du kWh EDF (Lien. Or la SNET émettait 935 gCO2/kWh (P35 du Lien). Ce qui rendait potentiellement le TGV plus polluant qu’un vol en Low-Cost moderne! Cette opacité est également signalée dans le rapport 2014 de la cour des comptes (P39 du Lien). Pour info, voici les émissions des principaux fournisseurs européens Lien. Ex: Engie=293 geCO2/kWh, loin de 54 eCO2/kWh d’EDF.
- La cour des compte souligne également un problème de coût pour les nouvelles lignes => il serait beaucoup plus efficace de ne pas construire de LGV (en laissant les moyens de transports existants) et d’investir dans d’autres projets a visée écologique (isolation des vieux bâtiments…). (P41 du Lien)
- Une impression générale à la lecture des rapports pro-environnementaux et/ou pro-rail: assez systématiquement, les hypothèses prises lors de ces études favorisent le transport ferroviaire au détriment du transport aérien. Ce n’est pas une découverte, lorsque l’on fait une étude d’impact sur des systèmes aussi complexes, il faut prendre un paquet d’hypothèses et l’auteur de l’étude a accès a tout un tas de « curseurs ». Il est assez facile d’orienter une étude « scientifique » en fonction de ses idées. (En 2006 certains avaient déjà certains doutes quant aux méthodes de calculs de la SNCF Lien)
Conclusion: Le bilan des émissions CO2 du ferroviaire français est un problème complexe (probablement plus que pour l’aérien), et soumis aux données, parfois opaques, d’une entreprise (Il serait bon d’avoir un audit indépendant afin d’avoir des données plus claires)
Cependant il faut avouer que le bilan CO2 d’un TGV bien rempli et utilisant de l’électricité propre comme en France est difficilement atteignable par l’aérien. Malgré tout le rapport CO2Train / CO2Aérien se situe plutôt entre 1/5 et 1/2 (suivant les hypothèses), loin des 40 à 100 fois plus polluants régulièrement rencontrés dans la presse ou les rapports « partisans ». Pour les autres pays, les émissions du transport ferroviaire sont comparables voire plus importantes qu’un vol sur avion moderne exploité LCC.
Maintenant, est-il raisonnable d’interdire les vols sur les liaisons < 2h30 de train (ou <4h30 selon les recommandation du shift project)? Les émissions totales des vols intérieurs en France sont de 2,1 millions teqCO2 (P.5 de Lien), et les émissions totales mondiales en 2018 de 33,1 Milliards teqCO2 (Lien). Ceci fait un ratio de 0.0063%. En d’autres termes, le monde à produit autant de CO2 en 33min que l’aviation intérieure Française en 2018. Donc même en interdisant tous les vols intérieurs et en reportant les passagers sur du ferroviaire totalement neutre, ça ne changerait probablement pas grand chose au climat en 2050 (ça retarderait l’échéance de quelques heures…) Certains vont dire: « mais il faut bien commencer quelque part, sinon personne ne fait rien !» C’est d’une logique implacable. Cependant, la France étant un « petit émetteur » par rapport au monde, il serait plus intelligent de se concentrer sur des gains exportables (innovations technos tels que bio-carburants, énergie nucléaire…) plutôt que de privilégier un ferroviaire qui n’est propre, qu’en France…
Donc cette idée de matraquer l’aérien au profit du ferroviaire n’a que peu de fondement scientifique, c’est tout au plus l’expression de peurs (probablement justifiées) amplifiées par l’engouement récent des théories de la collapsologie.
Et dire que je ne voulais pas m’immiscer dans le débat train/avion… Vraiment que ça à foutre…