ne jouent-ils pas un jeu très dangereux à restreindre leur travail au simple fait de s'assurer que les données prédéfinies soient bien respectées ?
Heu... le travail du contrôleur, même lorsqu'il applique scrupuleusement les consignes CFMU, ne se limite pas, loin de là, à s'assurer que les données prédéfinies correspondent à la réalité. Son boulot, ça va être, entre autres, de résoudre des conflits.
mais que le jour où un ingé' réussira à pondre un système qui permettra de tout automatiser et de les supprimer, les hautes instances ne se poseront pas longtemps la question de savoir s'ils utiliseront ce système ou s'ils garderont leurs bons vieux contrôleurs…
Ahhh le bon vieux rêve du contrôle tout automatisé... Une bonne vieille utopie qui me fait bien rire à chaque fois qu'on m'en parle.
Alors commençons par le commencement : l'idée ne date pas d'aujourd'hui. Le système qui gère actuellement les données de vol en France s'appelle CAUTRA pour "coordonnateur automatique du trafic aérien". Mais, à l'origine, à la fin des années 60, CAUTRA signifiait "Contrôleur automatisé du trafic aérien". Tout un programme... mais finalement, 40 ans plus tard, il y a encore besoin des contrôleurs.
Petit florilège non exhaustif des points durs de cette question :
- Ce genre de système marche bien en "conditions optimales" (les avions suivent les routes, à la bonne vitesse, aux bons niveaux). Par contre, dès qu'on complique un peu les choses, ça devient tout de suite moins évident. Quelques exemples :
* les pilotes veulent des directes (c'est d'ailleurs le thème du sujet)
* météo orageuse avec des demandes d'évitement dans tous les sens
* "trafic non maîtrisé" par la CFMU : tout ce qui décolle hors zone CFMU (Asie, Russie, Amériques, Afrique ...) n'est pas soumis à régulation au départ. Les avions correspondants arrivent donc au fil de l'eau, plus ou moins sans préavis
* trafic non connu du système dans les espaces inférieurs (VFR)
* vols particuliers qui ne suivent pas une route "classique" (missions photo, de surveillance, de retransmission, vols de calibration, entraînements IFR, vols d'essais etc...)
- Malgré les talents des ingés, dont je ne doute pas, aucun des systèmes qu'ils conçoivent n'est infaillible. Un jour ou l'autre, un truc pas prévu se produira. Les exemples de systèmes supposés infaillibles ne manquent pas (au hasard dans l'actualité récente : Fukushima). Le beau système se mettra donc en défaut, ou confiera une situation particulièrement merdeuse à l'opérateur humain chargé de le surveiller qui devra se démerder avec les moyens du bord. La deuxième solution a un avantage : s'il y a un accident, on dira que c'est la faute de l'opérateur, le fameux "facteur humain", et on continuera à exploiter le système comme si de rien n'était.
- Un avion, c'est pas comme un métro. En cas de problème, on peut pas s'arrêter en pleine voie et attendre qu'un technicien vienne dépanner...
Par analogie, je dirais que les dix ou quinze années qui arrivent dans le contrôle aérien seront à l'image de ce qui s'est passé dans les cockpits à partir du milieu des années 80 avec l'informatisation et le pilotage à deux. Je vois ça assez sereinement, et, de toutes façons, ça me parait inéluctable. Mais il me semble essentiel, justement parce que les pilotes ont eu la gentillesse d'essuyer les plâtres de l'automatisation avant nous, de commencer par faire du retour d'expérience sur les incidents/accidents passés et de garder l'opérateur humain, qui malgré ses faiblesses sera chargé de gérer en dernier ressort, au centre de la boucle.