Beaucoup de gens s'expriment sur ce sujet que l'on peut qualifier de sensible. A mon sens, le problème des line trainings payants n'est qu'une petite partie du problème de ces injustices dans le transport aérien qui semblent choquer.
L'accès au métier de pilote de ligne, très onéreux, est conditionné par les capacités financières des candidats, et ce dès la première heure de vol. Ceux qui disposent de ressources familiales importantes ont un premier avantage puisqu'il peuvent effectuer rapidement l'intégralité de leur formation, de préférence dans une école connue - type SFA en Belgique, avec la perspective d'un placement plus ou moins assuré par l'école , pour peu que le candidat soit à la hauteur. Pour les autres, la majorité, il faudra passer par les banques et/ou le FONGECIF (donc par un parcours professionnel préalable). Des années de labeur et de stress. Voilà pour la formation CPL-IRR-MCC, dite "de base".
Par la suite, il existe une multitude de parcours différents pour accéder à un job d'OPL: travail aérien, instruction en club, baptêmes de l'air... les possibilités existent de "monter les heures" mais soyons clairs: il n'y a pas de place pour tout le monde dans aéro-clubs ou chez ASF en Afrique. Et il existe en tout cas une constante: peu de compagnies recrutent à l'heure actuelle (et c'est le cas depuis des années) sans QT JAR25 et même sans expérience JAR25. A moins de disposer de très bons contacts et de beaucoup de chance, 2000H d'instruction en club ne donnent pas un boulot avec QT payée par l'employeur. 2000H de JAR25 ne suffisent souvent pas à donner une chance réelle d'intégrer une filiale du groupe AFR, d'autres "critères" entrant en jeu...
Les compagnies qui recrutent "sans QT", comme RYR ou EZY, par exemple, demandent généralement au candidat de financer (au prix fort) une QT JAR25 au sein d'un TRTO lié à la compagnie, et ce sans garantie absolue d'embauche (et surtout d'embauche durable en CDI). Précisons que nos braves FONGECIF français ont d'ailleurs financé (parfois à fonds perdus) ce type d'expérience à l'étranger. Là encore, il faut disposer des fonds nécessaires pour intégrer ces "cadet schemes" chers (!) à nos amis des îles britanniques.
Pour ceux qui passent une QT JAR25 en-dehors de ce système se pose le problème suivant: la très grande majorité des compagnies qui recrutent demandant un minimum d'expérience en ligne, comment acquérir cette expérience minimale?? Parlons franchement, lorsqu'Europe Airpost, par exemple, convoque des candidats ayant un minimum de 100 ou 200 HDV sur B737, d'où peut-on s'attendre à voir venir les candidats sinon de chez Eaglejet?
Le système est intrinsèquement injuste puisqu'il impose du début jusqu'à la fin du parcours de formation une capacité personnelle de financement à laquelle tout un chacun ne saurait aisément prétendre. Le line training n'est donc pas plus injuste de ce point de vue que le système de formation dans son ensemble. L'argent est clairement une condition nécessaire pour qui veut devenir pilote de ligne.
Ceci étant dit, si l'argent est une condition nécessaire, il n'est certainement pas une condition suffisante pour atteindre le but convoité. Il faut encore parvenir à réussir des sélections et là, la chance et les qualités individuelles entrent en jeu. Ayant moi-même emprunté ce "chemin douteux" du line training après avoir vécu de longues années de galère, je peux dire que 200HDV sur 320 ou 737 permettent d'accéder à une sélection mais ne garantissent en rien de la réussir... certains en font l'amère expérience.
Les line training sont accusés de détruire des emplois"? je répondrai qu'ils sont par essence des solutions à court terme pour l'entreprise car aucune compagnie sérieuse ne peut se permettre d'y recourir sur le long terme, ne serait-ce que pour des raisons de sécurité, . En effet, si un "cadet scheme" type CTC permet à la compagnie d'engranger de substantiels revenus, il lui permet aussi d'éliminer à tout moment les candidats les moins doués. Ce n'est pas le cas d'un line training payant qui présente pour une compagnie le double désavantage de la très faible sélectivité et du turnover au sein de l'effectif PNT. Le turnover est, à l'évidence, anti-sécurité: comment, en effet, maintenir une homogénéité, une standardisation dans les opérations avec un effectif en perpétuel renouvellement?
Les compagnies qui ont recours au système dont il est question ici le font à un moment donné, parce qu'elles se restructurent, parce qu'elles grandissent, parce qu'elles ont besoin de cash, que sais-je... mais en tout cas, quelle compagnie digne de ce nom y aurait recours dans la durée???
Vous criez au scandale? Sans doute avez-vous raison. Mais n'oubliez pas de vous indigner contre le système français, ce système qui condamne à l'expatriation de nombreux pilotes: que dites-vous des pilotes des filiales AFR qui courent se réfugier chez Transavia, QT 737 payée, en vertu d'accords syndicaux, quand des dizaines d'autres pilotes français qualifiés et même expérimentés sur cette machine attendent leur tour à l'Etranger? Et quitte à payer des QT, Transavia ne pourrait-elle les payer à des pilotes français en recherche d'emploi?? A ces largueurs de paras, à ces instructeurs du dimanche que tout le monde affectionne dans les forums et les discussions de comptoir mais que presque personne n'embauche...? Aurons-nous un jour des syndicats servant à autre chose qu'à défendre la population PN d'AFR & co? Aurons-nous un jour un ciel français réellement ouvert?
On s'indigne aujourd'hui des line trainings payants, mais ils sont le corollaire de l'explosion de l'offre de formation JAR25 qui met sur le marché une abondance de pilotes qualifiés mais sans expérience - donc chômeurs en puissance. Le vrai problème est là: n'importe qui passe aujourd'hui une QT, sans promesse d'embauche. Ce qui permettait il y a 10 ans de "griller" ses petits copains ne permet plus aujourd'hui que de s'inscrire chez notre "ami de Miami". On est aujourd'hui chômeur avec QT comme on était auparavant chômeur PP IFR. Les compagnies et les TRTO se goinfrent sur le dos des pilotes.
Ce (trop long) laïus ne prétend pas énoncer une vérité définitive sur le sujet des line training mais simplement donner un point de vue sur la situation d'une grande majorité de pilotes confrontés au doute, à l'incertitude, à la "galère"... à des années d'efforts et d'échecs, de petits boulots, d'interim et de FONGECIF avant de finalement parvenir à pousser une petite porte sur le succès. Ne condamnez pas trop vite ceux qui, le temps passant, on utilisé leur dernière cartouche pour trouver un travail plutôt que contre eux-mêmes
Bons vols à tous.