L'évolution du métier de pilote de ligne

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PilotJulien
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L'évolution du métier de pilote de ligne

Message par PilotJulien »

Bonsoir,

Dans mon précédent topic, il y a plus d'un an, j'écrivais :
Pour ma part, je suis toujours autant passionné par le domaine en lui-même, mais je trouve que j'avais sous estimé l'impact de ces multiples échéances annuelles, et du côté toujours plus normé et surveillé du métier
Ces lignes étaient très synthétiques sur un aspect qui mériterait un bon développement.

Je ne comprends pas les évolutions récentes du métier.
Jusque dans les années 70-80, que je suis loin d'avoir connues, les choses étaient effectivement beaucoup trop portées sur la connaissance et la performance brutes sans aucun aspect CRM. Mes captains me racontent des histoires abracadabrantes où on leur posait des questions complètement inutiles (comme le couple de serrage d'un boulon de la porte arrière gauche), où le CDB se voyait comme la seule personne à satisfaire à bord, ou encore où on ne pouvait réussir une AEL que si on savait poser l'avion en réduisant la poussée en début de descente au FL300 sans en remettre jusqu'au roulage.

Il fallait forcément en revenir, certes.

Néanmoins j'ai l'impression qu'on va aujourd'hui dans l'extrême inverse.
Sur nos séances de simulateur et nos tests d'abord, nous avons aujourd'hui 9 compétences pilote, décrites par exemple dans le lien ci après :
https://va-airlinetraining.com/news/wha ... mpetencies
Le pilotage manuel, même si descendre un plané depuis le FL300 jusqu'à l'arrondi est stupide, et même si on ne le pratique que quelques minutes par vol, reste la base du métier. Comment surveiller un PA (ou un FD) si on ne sait pas comment ça marche ? Et bien cette compétence est diluée parmi 9 autres. Au simulateur, on en parle pour ainsi dire jamais. On parle très peu aussi de la compétence "knowledge", assez peu de la compétence automatismes, et un peu de procédures, mais l'écrasante majorité des debriefings se font sur les 5 compétences non techniques.
Dans certaines compagnies, piloter sans ATHR ou sans FD est interdit. Déjà que les opérations habituelles d'un liner ne mènent pas à développer et maintenir réellement une compétence de pilotage manuel (qui sur le forum a déjà piloté un 320 à haute altitude à la main, sans FD ? Même au simu ? Et sans l'avoir demandé spécifiquement? Jacques Rosay écrivait que la plupart des pilotes n'avaient jamais piloté leur machine là où elle passe le plus clair de son temps), ces règles mènent à une perte de compétence qui a mené des avions dans des situations absurdes et/ou dangereuses (décollage sans tirer, remise de gaz sans remettre la poussée ou sans tirer) voire catastrophiques.

Ce lien est intéressant car dans le "knowledge" habituellement dédié à toutes les connaissances, on ne parle que de la connaissance des procédures. C'est le second point : on diminue de plus en plus le pouvoir de jugement du pilote jusqu'à lui dire exactement quoi faire et à quel moment au moindre détail près. Normalement cette compétence sert à pouvoir prendre du recul sur les procédures, permettre de savoir justifier des écarts ("c'est écrit comme ça, mais c'est plus pertinent pour nos opérations du jour de modifier légèrement xx et yy..")
De nouvelles procédures airbus sont en ce moment en cours de déploiement dans le monde entier. Celles-ci précisent pour chaque item de checklist l'endroit exact où il faut vérifier la chose. Des petites erreurs dans la doc ont mené à se poser des questions existentielles. Faut-il faire ceci avant cela ou l'inverse ? Une erreur conduisant à mettre l'avion dans le noir a été débattue : peut-être faut-il réellement mettre l'avion dans le noir...

Aujourd'hui, l'accent est mis énormément sur des aspects non techniques, ou de respect de points de détails des procédures. A-t-on dit "rudder trim zero" ou "rudder trim neutral" ? A-t-on bien omis de dire "set" après "QNH 1003" ?
A-t-on respecté parfaitement la méthode de prise de décision de la compagnie pour prendre une décision évidente ? (C'est le rôle de l'instructeur et du training que de donner des décisions non évidentes à prendre, s'ils veulent faire travailler la méthode de prise de décision. Sur une panne moteur à V1-20kt on ne va pas faire un DODAR)
Les procédures estiment nécessaire de tout détailler, jusqu'à demander le réglage du volume des radios lors de la préparation du poste. Va-t-on demander à la mise à jour FCOM de juillet 2026 (dans 4 ans donc, à ce rythme) de vérifier la présence et le bon fonctionnement de tous les boutons du FMS, avec une ligne par bouton ? Est-ce que les stagiaires en qualif et line training à cette date devront apprendre l'ordre dans lequel on testera ces boutons ? Le pavé alphanumérique du MCDU, en commençant par les chiffres, puis les pages, puis les boutons latéraux, puis le bouton BRT/DIM pour terminer. Puis à la mise à jour suivante on constatera qu'un pilote dans le monde aura voulu tester ses boutons et aura planté l'avion parce que le bouton BRT n'étant marqué qu'après, il n'aura pas pensé à allumer son écran... On mettra donc le bouton BRT/DIM à vérifier en premier. En précisant bien qu'après avoir testé le DIM, il faut potentiellement remonter la luminosité. Comme vous le constatez, si on s'engage dans cette voie il n'y a pas de limite.

Un petit mot en plus à ce stade sur la surveillance : il y a des projets en cours pour tracker le regard du pilote. Comme tout outil, sa pertinence dépend de ce que l'on en fait. Mais imaginez vous passer votre temps au debriefing avec l'instructeur à vous entendre dire que la vérification du QNH en cross check se fait au PFD opposé et pas au glareshield opposé ? (Le rebord de l'écran EIS1 masque le chiffre au PFD). Que la vérification (pas la lecture) des vitesses se fait au PFD et pas au FMS ? (Quelle est la probabilité pour que la valeur se transmette mal, et pourquoi cela n'arriverait pas avec la Vr et la Flex qui ne sont pas vérifiées dans cette nouvelle méthode).
Il me semble que la plupart des gens voire la totalité adapte fréquemment ce qu'il a à faire fonction des conditions du moment. Par exemple, si je dois prévenir les PNC d'abord, et mettre le TCAS sur TARA ensuite, mais que le contrôleur me parle, m'empêchant de parler aux PNC, je préfère mettre TARA en premier pour ne pas perdre de temps... Et bien non, ce n'est pas marqué comme ça !
On m'a raconté qu'il y a quelques années, les stagiaires qui fonctionnaient avec une telle rigidité n'arrivaient pas à franchir l'étape du line training. Mais de nos jours, c'est comme ça qu'il faudrait faire ?

Je pourrais continuer mais je pense que ces exemples suffisent pour décrire mon ressenti général.
Heureusement, on dirait que certaines compagnies commencent à revenir doucement de certains de ces travers, avec certaines compagnies qui maintenant encouragent à couper les FD, à faire des approches à vue (avec toutes les précautions nécessaires quand même, à l'écrit c'est important).. mais sur la normalisation et la surveillance du métier je ne vois pas encore de retour en arrière.
Avez-vous constaté la même chose dans vos compagnies respectives ?
Est-ce que vous en parlez autour de vous et est-ce que c'est une évolution que vous déplorez ou que vous trouvez au contraire nécessaire voire souhaitable ? (On a le droit de pas être d'accord avec tout ça, j'ai conscience d'émettre une opinion subjective, que je force d'ailleurs peut-être un petit peu pour lancer la conversation)

De mon côté, j'ai l'impression que la plupart des captains trouvent qu'on perd peu à peu le bon sens. Malheureusement je ne parle pas beaucoup aux copis plus jeunes comme moi. Mais ces commandants là sont de la génération actuellement aux manettes (45-55 ans) donc je ne comprends pas trop comment on en arrive à faire ce qu'on fait actuellement. Est-ce que cela provient d'airbus ou bien des département training des compagnies, de l'EASA et de la FAA.. ?
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flyingtom
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Re: L'évolution du métier de pilote de ligne

Message par flyingtom »

Dans ma compagnie, ils ont suivi les recommandations pour l'EBT . Donc meme si les non tech skills sont primordiales, il faut se poser la question de la finalité du suivi correct de ces competences . Pourquoi on fait ca ? La finalité est de garantir la continuité de la "Situation Awareness" à tout moment .

Toutes les compétences évaluées sont au service du maintien de la SA . Si le scan n'est pas fait dans le bon ordre , cela peut entrainer une confusion et générer des erreurs mais après pour la programmation du MCDU, la rigidité au SOP n'est pas franchement utile si le PM prend le temps de bien vérifier le MCDU rigoureusement . Les calls doivent être rigoureux pour éviter toute confusion.

Le changement de doctrine vient du fait que le PM est devenu un maillon extremement important . Il y a 10 ans dans les simu , les compétences du PM n'etaient pas évaluées, l'attention n'était portée que sur le PF . Le PM était désigné à l'époque de Pilot Non Flying (PNF) . Or il a été démontré que pas mal d'accident auraient pu etre évité si le PNF avait alerté le PF . Mais le problème était que l'on ne savait pas comment évaluer qualitativement les PNF et la synergie PF+PNF lors d'un vol. Le CRM a été introduit en parallèle mais les effets dans un cockpit étaient difficile à mesurer et surtout cela n'était pas quantifiable .

Cette nouvelle doctrine du PM (Pilot Monitoring) place le PM au même niveau du PF en matière de responsabilité. Les compétences retenues peuvent évaluer les performance de monitoring et assurer une progression objective . Le PF et le PM doivent partager le meme modele mental de la situation présente et à venir et pour cela , il faut communiquer efficacement (COM), partager sa connaissance (KNO), évaluer la situation technique son avion (KNO), appliquer les procedures (SOP), voler son avion en sécurité (FPM+FPA), préparer son plan d'action (Workload Management), briefer (Problem Solving) et repartir les tache (Leadership & Decision Making) etc etc...

Nous sommes maitenant encouragé à réduire les automatismes sous certaines conditions d'expérience récente et faire des approches à vue . Ces restrictions ont été mise en place suite au COVID et au manque d'expérience récente afin d'éviter de se retrouver dans des situations non-controlée , mais maintenant que les vols sont plus nombreux et réguliers , il a décider de permettre aux équipages de retrouver leur skills sous certaines conditions.
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C510
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Re: L'évolution du métier de pilote de ligne

Message par C510 »

Salut.
Moi qui est commencé ma carrière y a 10 ans je disais déjà dès le début que aujourd'hui les pilotes de ligne, c est des pilotes qui savent plus piloter...

Maintenant, la culture de la compagnie (donc vision du management pilote), la peur de l accident, le type de vols font que tu va avoir des SOP + ou - lourde, même si je suis d'accord que les compagnies vont faire le + en + lourd.

Pilotjulien est tu dans une compagnie anglo-saxonne ? De mon expérience j'ai remarqué que ces compagnies était dans celle qui "empêchait" le + au pilote de volé en Manuel et avec des SOP ou on parlait tout le temps. Si un mec dans la boîte, fesais une approche à vue de nuit instable = solution, plus s'approche à vue, ... Bilan je me retrouvais avec des CPT qui avait "peur" et quand je suis passé CPT des FO qui était perdu des que l avion s'écartait de 2 cm de l'OM-B (exemple au lieu de faire un ILS a 12Nm on avait un short cut à 6Nm).

Quand j'ai bougé dans des boîtes charter/acmi Europe centrale / est, ben là ç'etait l inverse, beaucoup de pilotage Manuel, des mec très bon pour faire une approche à vue à 2nm finale, CRM moins important, surtout de la part des anciens. Résultats quelque événement à la limite de l acceptable (voir pas de tout, certains on fini dans la presse ...)

La dernière boîte où je suis, je suis très content sur leur vision des choses. Le head of Training nous pousse et ne recrute que des profils qui pilote mais qui sont aussi CRM, les terrains que nous fesont en charter / acmi peuvent être très demandant et ils faut des mec qui savent manier le Manche.
Maintenant ça marche pour l instant tant que la boîte est petite (2 avions, un 3ieme arrivant), quand la boîte va grossir, et que des profils différents vont être recruté, il y a un moment où ils ta trop de gens différents, de niveau différents qui fait que les boite se tourne vers + de SOP, moins de pilotage manuel.

Je suis aussi partisan que cela fini par atteindre une limite et n'est pas la solution. L'exemple extrême sont les compagnies chinoise ou l'erreur est bani des cockpit, avec des amendes pour les pilotes en cas de déviation et autre ... Ont ils 50fois moins de accident / incident que au usa ou la culture vol Manuel est encore très présente ? Ben non ... Mettre une pression de fou sur les équipages meilleures façon de faire des erreurs.

Et encore on ne lance pas le débat sur les FTL, ou là à l inverse, il n y a pas de problème de fatigue chez les pilotes, circulez il n'y a rien à voir 😉.
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PilotJulien
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Re: L'évolution du métier de pilote de ligne

Message par PilotJulien »

flyingtom a écrit : 12 mars 2022, 09:28 Cette nouvelle doctrine du PM (Pilot Monitoring) place le PM au même niveau du PF en matière de responsabilité. Les compétences retenues peuvent évaluer les performance de monitoring et assurer une progression objective . Le PF et le PM doivent partager le meme modele mental de la situation présente et à venir et pour cela , il faut communiquer efficacement (COM), partager sa connaissance (KNO), évaluer la situation technique son avion (KNO), appliquer les procedures (SOP), voler son avion en sécurité (FPM+FPA), préparer son plan d'action (Workload Management), briefer (Problem Solving) et repartir les tache (Leadership & Decision Making) etc etc...
Cela explique très bien pourquoi c'est fait comme ça, à défaut de justifier que ce soit la meilleure chose à faire.

"Les calls doivent être rigoureux pour éviter toute confusion" Que tu dites "manual braking" ou "je le prends au pied" comme Guillaume Laffon, je ne vois pas trop la différence ou la confusion possible.

Je ne suis pas dans une compagnie anglo saxonne, je ne suis pas mécontent des vols au quotidien mais plutôt du training. Faire un simu de 3h pour m'entendre dire à la fin que "tu as pris la bonne décision qui s'imposait évidemment mais verbalise bien chaque étape du processus" alors que nous avons littéralement le feu aux fesses, je ne comprends pas. A la rigueur, pourquoi pas faire le même simu mais prendre 1h de plus pour s'entrainer sur des choses différentes. Gérer une arrivée haute en monopilote par exemple. Du pilotage manuel à haute altitude. 4h est la durée standard des simus en QT, pourquoi pas en recurrent aussi ? Et si les seules remarques que j'ai en fin de debrief sont du style "on dit manual braking et pas je le prends au pied" alors je n'aurai rien appris sur ce simu.

Pourquoi le CRM serait-il forcément opposé à de bonnes compétences en pilotage manuel, connaissances et procédures ? Il n'y a pas d'opposition de principe. Très honnêtement je n'ai pas connu un seul captain avec qui j'appréhende réellement de voler. Certains qui ne sont pas très drôles en escale, oui, encore que c'est même rare, mais des gens qui ne sont réellement pas CRM, je n'en entends parler que dans les vieilles histoires des cdb.

Pour les FTL, c'est autre chose. Je comprends totalement qu'on veuille rentabiliser le pilote, il n'y a pas de miracle, le faire voler plus avec moins de repos fera gagner de l'argent. On adhère ou pas à la logique mais c'est implacable.
Pour ces histoires procédurales, c'est autre chose.

En essayant de le faire je m'aperçois que je n'arrive pas à mettre des mots très précis sur ce qui me chagrine.
Je ne sais pas si le département training ne voit pas la nécessité de travailler les compétences techniques parce qu'il considère qu'elles sont faciles d'accès et déjà acquises par son groupe de pilotes (mais ces compétences se maintiennent, et ne peuvent s'acquérir totalement pendant la phase de formation jusqu'au line training, ça se saurait!), ou bien parce qu'ils les considèrent comme inutiles.
Je sais en revanche pourquoi cela devient de plus en plus procédural : d'une part parce que cela permet de se couvrir, et d'autre part parce que jusqu'à présent cela a marché, alors autant continuer comme ça. Le souci c'est qu'à trop continuer dans une même direction, mécaniquement on arrivera à un extrême.
On risque d'arriver à un moment où on imposera un doigt et une main (index de la main droite par exemple) pour chaque action, doigt soigneusement étudié et choisi suite à un incident rapporté où un mauvais doigt a appuyé sur le mauvais bouton.
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benty
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Re: L'évolution du métier de pilote de ligne

Message par benty »

Si tu regardes bien, tout ce que tu reproches (et je suis d'accord avec toi), tu peux plus ou moins l'appliquer à notre société d'aujourd'hui. De plus en plus d'assistés, de plus en plus de gens moutons, plus aucun bon sens, automatisation dans beaucoup de domaines...


C'est n'est pas seulement le métier de pilote qui évolue dans ce sens, c'est l'Homme!
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teubreu
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Re: L'évolution du métier de pilote de ligne

Message par teubreu »

PilotJulien a écrit : 13 mars 2022, 01:07Et si les seules remarques que j'ai en fin de debrief sont du style "on dit manual braking et pas je le prends au pied" alors je n'aurai rien appris sur ce simu
Même si on comprend ce que tu veux dire, il faut que les callouts soient standardisés, c'est le principe même de l'interopérabilité des équipages.
Sinon on peut aussi dire ne pas imposer de dire "gear up", et l'un dira "rentre le train s'il te plaît", un autre "retract undercarriage" etc... et ça pour chaque item, tu imagines le bordel et les ressources consommées par cette adaptation chaque jour ?
Tu aurais gagné en "liberté" de dire le mot qui te plaît mais ce ne serait pas plus clair pour le collègue et changerait tous les jours pour lui en fonction de avec qui il vole. Est-ce mieux ?
Loin de moi l'idée de pinailler, ça nous arrive tous d'utiliser un mauvais mot, mais par principe il faut l'éviter autant que possible amha.
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flyingtom
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Re: L'évolution du métier de pilote de ligne

Message par flyingtom »

PilotJulien a écrit : 13 mars 2022, 01:07
"Les calls doivent être rigoureux pour éviter toute confusion" Que tu dites "manual braking" ou "je le prends au pied" comme Guillaume Laffon, je ne vois pas trop la différence ou la confusion possible.

Je ne suis pas dans une compagnie anglo saxonne, je ne suis pas mécontent des vols au quotidien mais plutôt du training. Faire un simu de 3h pour m'entendre dire à la fin que "tu as pris la bonne décision qui s'imposait évidemment mais verbalise bien chaque étape du processus" alors que nous avons littéralement le feu aux fesses, je ne comprends pas.
Dans ma compagnie, tu peux etre amené à voler avec beaucoup de nationalités différentes, du coup la nécessité d'un vocabulaire commun est primordiale . Dans ton exemple "Manual Braking" sera compris sans équivoque par un anglais, un allemand , un francais ou un italien. De plus , tu cotoies des gens avec des expériences très différentes , qui pourraient comprendre différement un autre call (au vu de leurs expériences passées) et amener de la confusion, ce qui peut retarder une prise de décision rapide dans une situation très dynamique . "Qu-est qu'il a voulu dire par là?"

La standardisation des calls est primordiale pour garantir une communication efficace entre des pilotes qui peuvent etre différents du point de vue de leur culture, expérience ...

Verbaliser les étapes du processus de panne permet de mettre le PM dans la boucle de l'élaboration d'une image mentale COMMUNE, et par là il peut faire des suggestions et apporter son expérience afin d'affiner le plan d'action , sinon c'est du "one-man show", chose que l'on veut absolument éviter. L'équipage est une boite à outil et une réserve de ressource, une communication efficace à chaque stage du processus permet d'utiliser toute les ressources de l'équipage à la réalisation d'un objectif commun et de garder tout le monde dans la boucle.

Le PM a ainsi toutes les informations pour contrôler le PF, peut prendre les commande si le PF veut briefer la cabine par exemple , ou preparer le FMGC. Il peut ainsi remettre le PF sur les rails si les actions deviennent différentes du plan initiale lors d'une phase à la charge de travail élevée (vitesse, configuration, ATC, virages à XX Nm, check-list).

Meme si tu as un feu à bord , si tu appliques l'AVIATE, Navigate , Communicate , tu as deja verbalisé la situation de l'avion (FMA et Loi de pilotage), ta situation awareness (où tu es, la MORA, la météo autour de toi) et ensuite la communication avec l'ATC (descente d'urgence, PPOS hold, heading vers un AD) et la cabine (Attention, crew at station): l'avion est sous controle , dans une trajectoire maitrisée et tout le monde est au courant de la situation à court terme. Ensuite on peut confirmer la panne et agir avec l'ECAM. Une fois que c'est fait , on analyse avec le T-DODAR et on affine les éléments : feu maitrisé ou pas, AD compatible ou pas en fonction de la longueur de piste et la météo, prise de la décision, stratégie d'approche, stratégie au sol, déc, NITS et ensuite review de tout le process , histoire de vérifier que l'on a rien oublié et d'être sur que le plan est bien le meilleur.

Cela peut paraitre long mais en fait quand c'est bien méthodique, cela va assez vite selon la panne . On peut synthetiser la partie 'Diagnose' du T-DODAR avec les conséquences de la panne :
-Impact sur les perfo landing (longueur de piste requise)
-Impact sur la capacité landing (CAT 3,2,1)
-Impact sur la consommation carburant
-Service au sol requis (tow tug si on ne peut pas libérer la piste, pompiers)
Ce qui aura pour conséquence de dire quelle aéroport est bon (ou pas) et de préparer la décision.

Forcément en cas de LAND ASAP red, il faut aller vite mais sans se précipiter , suivre le canevas précédent permet de s'assurer que la décision prise a bien pris en compte le max de parametres.

L'expérience et la connaissance des perfo de son avion en fonction des pannes complexe (dual HYD, overweight landing, Flaps/Slats jammed) permet d'avoir à la louche une idée préalable où aller .
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Squish
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Re: L'évolution du métier de pilote de ligne

Message par Squish »

Effectivement, c'est lourd, c'est une des raisons pour laquelle je reste dans l'affaire où l'on pinaille bien moins. 8) On fait bien entendu des callouts mais ça reste moins lourdingue qu'en ligne.
Ce que tu soulèves pilotjul c'est important, et à mon avis, on tombe dans le domaine de l'éthique. Je fais référence à un philosophe qui critiquait par exemple le fait que certains urinoirs sont décorés d'une mouche pour nous faire pisser dessus afin de ne pas pisser dehors... On touche à l'éthique, comme dicter notre comportement au quotidien.
Et comme tu dis, un jour en ligne vous serez obligés de dire tel mot à tel moment, avec tel doigt.

Pareil c'est mon avis perso, mais sous prétexte que ce soit pour la sécurité (on dit toujours cela pour faire passer quelque chose , comme le covid, on fait passer des mesures sous prétexte de protéger la santé), je pense que c'est un début aussi à la full automatisation.
Je m'explique : en ligne, j'avais l'impression de me sentir comme un robot, en temps normal comme dans 99% du temps, un vol se passe très bien et suffit de faire telle action à telle moment et dire tel callout. Très routinier et très predictive comme job.
Bref, autrement dit un robot peut le faire ou remplacer un PM.
Je ne serais pas étonné que toutes ces procédure de plus en plus lourdes servent de test pour étudier l'automatisme par la linguistique, voir ce qui peut être fait à la prochaine étape.
Franchement, ya de quoi largement automatiser le PM en fait. Dans Pilot Monitoring ya le verbe monitor. Remplacer par un logiciel qui surveille les moindres actions faites, ce n'est pas compliqué, et pourquoi pas un jour une voix synthétique qui énonce des callouts auxquels le PF doit répondre justement pour valider qu'il soit toujours en capacité ? Donc il y a je crois bien une idée d' évolution derrière tout cela.
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Squish
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Re: L'évolution du métier de pilote de ligne

Message par Squish »

flyingtom a écrit : 13 mars 2022, 09:03
La standardisation des calls est primordiale pour garantir une communication efficace entre des pilotes qui peuvent etre différents du point de vue de leur culture, expérience ...

Je pense que pilotjul ne dit pas le contraire, mais qu'il veut dire que ça part dans l'extreme, comme des débats philosophiques pour choisir tel ou tel terme au lieu de celui-ci.
Un peu comme d'une compagnie à l'autre, avant V1, la vérif de la vitesse à 80kts annoncée l'autre dit "80kts" aussi ou bien un simple "checked". Lequel est mieux ? mdrr, Alors certains vont dire "80kts" c'est mieux car ça montre que l'autre a bien la même vitesse et l'identifie, tandis que "check" on l'a tous dit sans faire exprès par automatisme alors que l'item n'est pas correct...
bref, des débats à la con où chacun a raison... ya longtemps que j'ai abandonné ce genres de discussions avec les collègues. Le meilleur callout actuellement c'est "tas raison".
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C510
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Re: L'évolution du métier de pilote de ligne

Message par C510 »

Alors les call out de dire check ou lire la "valeur", sur le papier, tu as raison c est mieux de lire ... Mais on sait tous que à force de faire des actions routinière, notre cerveau peut "voir" ça qu'il veut voir ... C est pour moi le problème des SOP trop lourde, tout le monde parle et dit les bonne phrase mais il n y pas tjr l action de vérification nécessaire derrière.

Un jour au simu, après une remise de gaz un peu confuse, on a bien lu la check-list, on a bien dit "gear up no light" et au moment du posé quand j'ai demandé Gear down Ben on c est rendu compte que le Gear était "déjà" down ... L instructeur l'avait pas vu non plus.
Vu qu on avait jamais "accélérer" pendant l approche, on a jamais vu le bandeau rouge à 250kt où on a jamais "entendu" le bruit supérieur dans le cockpit (même si au simu je pense que c est pas comme dans la réalité)
Bref, le PM avait bien "vu" Gear up, no light.
Modifié en dernier par C510 le 13 mars 2022, 21:04, modifié 1 fois.
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JAimeLesAvions
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Re: L'évolution du métier de pilote de ligne

Message par JAimeLesAvions »

Le problème est que la quasi totalité des vols ne posent pas le moindre début de difficulté. Le seul travail est un travail de dactylo: on tape sur le clavier ce que le contrôleur nous dit. La compétence qu'on est censé apporter est celle de surveiller la machine, mais comment être alerte à chaque instant?
Heureusement que de temps en temps il fait mauvais, qu'un message s'affiche en jaune, qu'un truc tombe en panne, ou qu'on fait une bêtise qu'on doit rattraper.
Si da el cántaro en la piedra o la piedra en el cántaro, mal para el cántaro.
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Re: L'évolution du métier de pilote de ligne

Message par JAimeLesAvions »

C510 a écrit : 13 mars 2022, 09:55 Un jour au simu, après une remise de gaz un peu confuse, on a bien lu la check-list, on a bien dit "gear up no light" et au moment du posé quand j'ai demandé Gear down Ben on c est rendu compte que le Gear était "déjà" down ... L instructeur l'avait pas vu non plus.
Dans ma modeste expérience en CS23
En remise de gaz normale, on fait les actions de mémoire et on appelle la CL après
En remise de gaz n-1, c'est une do list, le PNF lit la CL. Mes instructeurs me recommandent après avoir fait cette do list d'appeler la CL normale. pour avoir la aussi une deuxième chance de vérifier qu'on a rien oublié.
Si da el cántaro en la piedra o la piedra en el cántaro, mal para el cántaro.
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PilotJulien
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Re: L'évolution du métier de pilote de ligne

Message par PilotJulien »

Squish a écrit : 13 mars 2022, 09:37
flyingtom a écrit : 13 mars 2022, 09:03
La standardisation des calls est primordiale pour garantir une communication efficace entre des pilotes qui peuvent etre différents du point de vue de leur culture, expérience ...

Je pense que pilotjul ne dit pas le contraire, mais qu'il veut dire que ça part dans l'extreme, comme des débats philosophiques pour choisir tel ou tel terme au lieu de celui-ci.
Un peu comme d'une compagnie à l'autre, avant V1, la vérif de la vitesse à 80kts annoncée l'autre dit "80kts" aussi ou bien un simple "checked". Lequel est mieux ? mdrr, Alors certains vont dire "80kts" c'est mieux car ça montre que l'autre a bien la même vitesse et l'identifie, tandis que "check" on l'a tous dit sans faire exprès par automatisme alors que l'item n'est pas correct...
bref, des débats à la con où chacun a raison... ya longtemps que j'ai abandonné ce genres de discussions avec les collègues. Le meilleur callout actuellement c'est "tas raison".
Exactement.
Manual braking, on a passé des décennies (littéralement) sans avoir besoin de standardiser ce call et tout d'un coup ça devient quelque chose d'absolument nécessaire pour bien se comprendre entre collègues ? C'est pour ça que j'ai pris cet exemple précis, sur n'importe quel autre call présent depuis 20-30 ans on aurait pu me reprendre, mais là non, c'est un truc qui date d'il y a même pas deux mois et pendant tout ce temps on ne sait pas comment on a fait ?
(Et au passage, si les pilotes de deux langues différentes ne peuvent pas se comprendre sans call standardisé sur quelque chose d'aussi simple que la reprise du freinage au pied, ils ont peut-être un niveau de compréhension mutuelle insuffisant, de sorte que les calls standards sont un pansement sur une jambe de bois, enfin suffisant pour les situations normales mais si ça merde vraiment ça va poser souci)

Pareil pour la décision avec le T-DODAR, je ne suis pas en train de remettre en cause l'outil en lui-même.
Ce que je remets en cause c'est la version "casque à pointe" ou l'absence de bon sens. Une panne moteur survient en montée aux alentours du FL100, il fait CAVOK sans notam particulier au départ, le terrain de départ est encore le terrain le plus proche, on a un land asap amber, je décide de faire demi tour dans la partie "fly" du traitement de panne, en demandant au PM de l'annoncer à la radio. Ah non, il fallait attendre la partie DODAR, demander (formellement) l'avis de l'autre pilote, évaluer l'option consistant à poursuivre jusqu'à destination (quitte à la refuser oui..)...

Je ne sais pas si c'est une évolution de la société entière. Je constate la même chose que Benty, mais est-ce que les deux sont liés ?
En tout cas, les deux partent de la même intention de réduire le risque au plus faible. En aviation, c'est louable car c'est notre métier, fabriquer de la sécurité. Sinon on mettrait un gus formé en deux semaines sur flight sim. Pour la société, ça se débat.

L'autre exemple c'est par exemple le port du casque. Personne ne respecte complètement dans ma compagnie l'obligation de port du casque qui va plus loin que les prérequis de part CAT (sous 10000ft en deux mots). C'est la même chose : si suite à un test c'est la seule remarque du testeur, je n'aurais rien appris. Chacun sait qu'il ne respecte pas tout à fait le manex A mais que c'est un point mineur. Je ne suis pas particulièrement fan d'enlever le casque (il peut bien isoler du bruit) mais c'est pour l'exemple là encore, si tout le monde le fait sans que ça ne pose de souci, peut-être que la règle ne fait pas preuve de bon sens.

Je n'arrive toujours pas à mettre des mots très précis sur ce que je veux raconter, hormis cette perte de bon sens, mais voilà une piste.
De mon côté, peut-être que comme je suis encore relativement débutant sur jet, je n'ai pas eu le temps d'acquérir l'aisance purement technique que j'aimerais avoir. Tandis qu'au bout de plusieurs années de métier, tout cela finit par rentrer dans la tête de mes CDB qui eux ne trouvent aucun problème à travailler, du coup, les aspects humains. Ils ne me parlent donc pas trop de ça. Cela dit, beaucoup avouent ne plus aimer particulièrement le simulateur et les tests en vol pour ce genre de raisons (manque de bon sens).

Pour vous, y a-t-il une réelle perte d'expertise "technique" en passant plus de temps sur les compétences non techniques que sur le pilotage et les connaissances ?
L'évolution en termes de sécurité est-elle positive, je pense que oui, mais certainement pas à l'infini : où faut-il s'arrêter avant de voir se multiplier des incidents du type décollage sans rotation ou remise de gaz sans remise en poussée ... ?
Mais si on consacrait un temps égal aux compétences non techniques, ne serait-ce pas positif pour la sécurité d'avoir des séances orientées compétences techniques et bon sens ?
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JAimeLesAvions
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Re: L'évolution du métier de pilote de ligne

Message par JAimeLesAvions »

L'intérêt du TDODAR est justement à mon avis dans des situation comme ça. Quand c'est compliqué on va nécessairement en discuter et analyser le problème, et le TDODAR n'est là que pour structurer, avec du bon sens on pourrait s'en sortir autrement qu'avec le TDODAR.
PilotJulien a écrit : 15 mars 2022, 03:56 Une panne moteur survient en montée aux alentours du FL100, il fait CAVOK sans notam particulier au départ, le terrain de départ est encore le terrain le plus proche, on a un land asap amber, je décide de faire demi tour dans la partie "fly" du traitement de panne, en demandant au PM de l'annoncer à la radio. Ah non, il fallait attendre la partie DODAR, demander (formellement) l'avis de l'autre pilote, évaluer l'option consistant à poursuivre jusqu'à destination (quitte à la refuser oui..)...
Exemple de le cas que tu cites
Si ton collègue a entendu le controleur annoncer un truc à un autre avion, sans importance pour les avions au départ et important pour les avions qui reviennent, il croit que tu l'as entendu aussi et que tu sais ce que tu fais, mais si tu ne l'a pas entendu vous partez immédiatement avec une conscience différente de la situation.
C'est la l'intérêt du TDODAR: on s'accorde sur la conscience de la situation. En vol réel, il faut avouer qu'on est vite pris par ce qu'on appelle complacency en anglais: le TDODAR permet de se réveiller et de se mettre au même niveau de conscience de la situation pour traiter le problème, et je pense qu'il faut le faire même si ça superflu et surtout si le problème semble simple.
Je le pratique aussi en instruction. Pour l'instant je n'en parle pas à l'élève, mais quand un truc se passe, je me force à faire toute les étapes de la réflexion dans l'ordre
Si da el cántaro en la piedra o la piedra en el cántaro, mal para el cántaro.
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Message par flyingtom »

Cette structure de "failure management" permet de garder une trame afin de savoir où on en est et d'etre sur que l'on a tout couvert. Cette phase est lourde en matiere de charge de travail avec beaucoup d'interruptions (appel ATC, cabine, alarmes) ce qui peut entrainer des erreurs et des oublis. Cette permet à la gestion de la panne d'etre "procédurale" et resiste bien aux interruptions. La verbaliser permet aux 2 pilotes de savoir où on en est et permets au PF ou au PM de remettre son collègue dans la boucle rapidement en cas de doute ou d'oublis après une interruption.

Ecoutez les live-ATC des avions qui ont eu une urgence, les calls de l'ATC peuvent entrainer des distractions et il est facile d'oublier ou de sauter une étape primordiale dans la gestion de la panne. Une panne en vol dans la vraie vie ne ressemblera jamais à ce qu'on peut vivre au simu. En l'air, on n'est pas tout seul, il y a la cabine à gérer, les passagers, les OPS, etc.

J'ai eu un panne hydraulique en vol, on était content d'avoir pu gérer la situation avec ce schéma pour gérer la panne de manière efficace. On a été surpris de la différence entre cette panne qui peut paraitre très simple au simu et la charge de travail que l'on a eu réellement.

Le tryptique Aviate Navigate Communicate m'a bien servi également quand on fait une remise de gaz compliquée (Assiette, Puissance, Vitesse, Configuration volets , Train , puis où on va et à quelle altitude, call ATC etc... Tout le monde est dans la boucle face à une situation imprévue .
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Message par PilotJulien »

JAimeLesAvions a écrit : 15 mars 2022, 13:34 L'intérêt du TDODAR est justement à mon avis dans des situation comme ça. Quand c'est compliqué on va nécessairement en discuter et analyser le problème, et le TDODAR n'est là que pour structurer, avec du bon sens on pourrait s'en sortir autrement qu'avec le TDODAR.
PilotJulien a écrit : 15 mars 2022, 03:56 Une panne moteur survient en montée aux alentours du FL100, il fait CAVOK sans notam particulier au départ, le terrain de départ est encore le terrain le plus proche, on a un land asap amber, je décide de faire demi tour dans la partie "fly" du traitement de panne, en demandant au PM de l'annoncer à la radio. Ah non, il fallait attendre la partie DODAR, demander (formellement) l'avis de l'autre pilote, évaluer l'option consistant à poursuivre jusqu'à destination (quitte à la refuser oui..)...
Exemple de le cas que tu cites
Si ton collègue a entendu le controleur annoncer un truc à un autre avion, sans importance pour les avions au départ et important pour les avions qui reviennent, il croit que tu l'as entendu aussi et que tu sais ce que tu fais, mais si tu ne l'a pas entendu vous partez immédiatement avec une conscience différente de la situation.
C'est la l'intérêt du TDODAR: on s'accorde sur la conscience de la situation. En vol réel, il faut avouer qu'on est vite pris par ce qu'on appelle complacency en anglais: le TDODAR permet de se réveiller et de se mettre au même niveau de conscience de la situation pour traiter le problème, et je pense qu'il faut le faire même si ça superflu et surtout si le problème semble simple.
Je le pratique aussi en instruction. Pour l'instant je n'en parle pas à l'élève, mais quand un truc se passe, je me force à faire toute les étapes de la réflexion dans l'ordre
Je reviens là dessus :
Quelle est la probabilité que le terrain de départ, CAVOK sans notam particulier, le plus proche, perde sa place de premier choix ? Autrement dit, quelle est la probabilité que pendant les 4-5 minutes du décollage à l'arrivée au FL100 ait eu lieu une alerte à la bombe, un incident avec un avion bloqué sur la piste, l'envahissement par une horde d'oiseaux digne du film d'Hitchcock, une panne de toutes les radios de la tour de contrôle ou encore une priorité donnée à un avion dans une situation encore plus grave que la notre ?

Proche de zéro non ?

Donc où est l'intérêt de perdre du temps, sachant que rien n'empêche de valider la décision, partager la totalité de la situation awareness, etc.. au moment "officiel" du DODAR ou FORDEC ?

Si on résume ca rentre dans le cadre d'un FORDEC/DODAR :
FOR : On vient d'avoir une panne, le terrain de départ a 99% de chances d'être un bon candidat au retour.
D : 99% de chances de gagner, je joue. Je décide de prendre le bon cap puis de traiter la panne
E : Je traite la panne
C : Je refais un FORDEC complet une fois la panne traitée pour vérifier que ma décision était la bonne.

Ca me semble aussi rentrer potentiellement dans le TACBDE de Transavia, même si je ne sais pas ce qu'ils mettent dans A et C.
Trajectoire : on s'oriente vers la destination la plus probable
Action-menace, Court terme : traitement ECAM, démarrage APU, status..
Bilan : DO ou FOR
Decision : On vérifie que la décision est la bonne
Execution : c'est déjà en cours, on a gagné 5 minutes, on vérifie son bon déroulé


J'ai eu récemment une panne nécessitant un déroutement en avion léger, c'est exactement ce que j'ai fait. J'ai mis le cap vers le terrain le plus proche avant de commencer mes actions de traitement de panne ou d'avoir réfléchi beaucoup plus (bêtise, breaker, bouquin, commande, action, protection, sécurité, checklist,... les méthodes sont multiples et moins cadrées en avion léger). Ensuite une fois la panne traitée j'ai fait un DODAR pour voir quelles actions supplémentaires étaient requises.
Avec le recul, j'aurais du faire le DODAR juste après avoir mis le cap sur le terrain de déroutement, car il n'y avait aucun inconvénient à faire ces actions trop tôt mais un gros inconvénient potentiel à les faire trop tard, tandis que les actions n'avaient pas moins de chances de succès si elles étaient délayées après le DODAR. Mais bon, sur le moment j'étais surpris, le contrôleur y a même mis du sien pour me dire quoi faire (je le remercie :xlol: ) j'ai donc appliqué la méthode que je connaissais sans jamais l'avoir remise en question (ce que je ne fais qu'à l'écriture de ce message)

Concrètement, panne d'alternateur. Cet avion est connu pour faire de fausses alarmes si sa charge est trop faible. Je mets un coup de gros consommateur, ça ne marche pas, mais mon PFD passe sur batterie en affichant un message : je suis en panne. (puis je coupe évidemment le gros consommateur, il fallait faire ça pour être convaincu que c'était une vraie panne...)
J'étais à ce moment là "en attente" sur un point de ma nav. Je mets immédiatement un cap retour (je n'attends pas d'avoir "traité ma panne", aucun intérêt). Là, je traite ma panne, alors que j'aurais du réfléchir à ce moment là. Je traite donc, ça n'avance à rien d'autre que d'être sûr que l'alternateur ne repart part (mais cette information n'a aucun intérêt puisqu'on pouvait la supposer sans aucun inconvénient tandis qu'on bénéficiait de la supposer dès le départ), puis je coupe les consommateurs, puis je fais ce que j'aurais du faire bien plus tôt.

J'aurais du commencer par réfléchir : Si j'ai un feu électrique, on passe sur une situation type IVV, ai-je des champs praticables autour ? D'ailleurs, c'est un souci électrique, donc est-ce que toucher des breakers et des boutons n'augmente pas les chances que ça arrrive ? Je suis sur un avion à train rentrant, volets électriques, si je perds la batterie je ne peux plus me poser facilement (distance d'atterrissage + sortie gravité, et même en sortie gravité je n'aurai pas forcément mes loupiottes vertes, ni un contact avec la tour sauf par téléphone). J'ai donc sorti le train et un cran de volets. J'aurais du pousser le bouchon jusqu'au bout et faire ces actions plus tôt, et en plus appeler la tour avec mon Bose et/ou déclencher un transpondeur 7600 pour me poser sans problème où je voulais.
J'avais déjà de belles marges de sécurité (en réalité la batterie avait largement de quoi tenir encore), mais on recherche ici la maximisation de la sécurité et donc des marges.

La situation sur un avion léger est un peu différente car le traitement de panne est moins cadré et moins réfléchi, et l'avion bien moins résilient, ce qui justifie d'augmenter la priorité de la réflexion par rapport à l'action, mais sur le message que je voulais faire passer, ça commence par la même chose : la trajectoire est essentielle.
Je n'allais pas perdre 5 à 6 minutes à sortir mes checklists, tester mes boutons, essayer de couper les consommateurs, en restant dans la même trajectoire que j'avais, sous prétexte que je n'ai pas fait de FORDEC pour changer de trajectoire et que le FORDEC se fait bien après les actions ! C'est ridicule.
Quand le niveau de priorité des actions l'a permis, j'ai essayé de couper les consommateurs. Il se trouve que le GPS2 était très difficile à éteindre. Si j'arrive à l'item de la checklist "coupez les consommateurs", toujours en attente sur mon point, je vais passer combien de temps à appuyer sur des boutons qui m'économisent un dixième de Watt chacun alors que mon avion pourrait parcourir de précieux kilomètres vers sa destination pendant ce temps là ?
Non, je mets le cap sur le terrain de dégagement, je fais ce qui est prioritaire, et quand j'ai du temps je regarde comment éteindre ce satané GPS. J'ai essayé 5 minutes et je pense qu'on ne peut pas, donc on aurait pu, potentiellement, faire une Eastern Airlines 401.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Vol_Eastern_Air_Lines_401

Enfin, je crois et j'espère que je suis en train de me battre contre un moulin à vent, et que la plupart des gens ne seraient pas choqués qu'on fasse du fly/nav en premier...
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Re: L'évolution du métier de pilote de ligne

Message par JAimeLesAvions »

PilotJulien a écrit : 08 juin 2022, 13:54 Proche de zéro non ?
La probabilité d'avoir un accident en TPP est aussi proche de zéro.
Donc il faut tenir compte des probabilité faibles.
Avant de changer de cap vers un aérdrome différent, je ne vois pas l'inconvénient de faire un TDODAR, ça prend moins de 30 secondes.
T: pas de fumée ça ne sent pas le brulé: j'ai 1 minute devant moi
D: problème électrique: je risque de ne plus avoir de radio de transpondeur et de volets au bout d'un temps que je ne connais pas, je risque aussi un incendie si ça dégénère.
O: traiter la panne tout de suite avec la CL, ou mettre le cap vers un terrain proche, et ensuite traiter la panne. Dans les deux cas, refaire un TDODAR après traitement de la panne.
D: je mets le cap sur tel terrain (moi je traiterais d'abord la panne et je prendrais le temps de chercher un terrain où je trouverais de quoi faire une réparation, un taxi, enfin pas nécessairement le terrain le plus proche, mais tu fais ce que tu veux)
R: il faut que j'avise le controleur, et que je sache exactement où je suis avant de virer, et que je note l'heure.
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Re: L'évolution du métier de pilote de ligne

Message par Squish »

C'est à l'appréciation de chaque CDB, certaines situations.
La différence avec l'aviation légère , c'est que dans l'aviation commercial, tu ne peux pas trop inventer, enfin si , tu peux faire dans l'ordre qui te conveint mais faudra t'expliquer.
Suivre les procédures dans l'ordre c'est aussi se protéger face à la justice. C'est con ce que je vais dire, mais on vit dans une société où vaut mieux avoir un accident/incident avec des blessés/morts en toute légalité (procédures suivies à la lettre) que sauver son cul , ses pax, en ayant improvisé... vous serez attaquable d'une façon ou d'une autre.
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Re: L'évolution du métier de pilote de ligne

Message par PilotJulien »

JAimeLesAvions a écrit : 08 juin 2022, 17:20 La probabilité d'avoir un accident en TPP est aussi proche de zéro.
Donc il faut tenir compte des probabilité faibles.
Avant de changer de cap vers un aérdrome différent, je ne vois pas l'inconvénient de faire un TDODAR, ça prend moins de 30 secondes.
T...
Je suis d'accord, mais ce n'est toujours pas la procédure ;)
Ce faisant tu argumentes en faveur de mon point qui est qu'il faut savoir adapter le cadre général à la situation.
C'est con ce que je vais dire, mais on vit dans une société où vaut mieux avoir un accident/incident avec des blessés/morts en toute légalité (procédures suivies à la lettre) que sauver son cul , ses pax, en ayant improvisé... vous serez attaquable d'une façon ou d'une autre.
C'est une explication qui dépasse le cadre aéronautique mais qui explique peut-être en bonne partie les problématiques dont je parle ! Bien vu.

Cela donnerait une situation cocasse : Suivre la procédure en toute légalité, ce qui cause des morts, puis attaquer le constructeur pour absence de flexibilité dans les procédures, ou mauvaise conception de procédures, puis se faire renvoyer à la figure le passage qui dit que le CDB peut déroger à ce qu'il veut dans l'intérêt de la sécurité :xlol:
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Squish
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Re: L'évolution du métier de pilote de ligne

Message par Squish »

Oui c'est vrai,
mais c'est d'ailleurs je crois bien marqué "peut "déroger, pas doit. Difficile d'attaquer un équipage s'ils ont suivi la procédure.
De toute façon on le voit bien chez les "chefs" dans toute compagnie/entreprise. Celui qui veut devenir manager, ou chef, en bon petit soldat, son premier soucis c'est que les papiers soient en ordre, avec la case bien cochée...
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