Beech92,
Ton questionnement est très légitime et surtout de nos jours.
Pour ta première question, à quel point faut-il, et bien cela ne concerne que chacun d'entre nous ! On a tout simplement nos propres limites. Et dans l'aviation, c'est un peu comme le sado-masochisme, chacun peut supporter plus que d'autres

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Je vais insister sur un point, c'est que beaucoup de pilotes font un amalgame entre la passion (le loisir bien souvent !) et le boulot et ses conditions. Je parle peut-être un peu de moi, car cela a été mon cas, mais aussi pour beaucoup de connaissances dans le milieu. Je dirais il faut être passionné mais pas trop, sinon c'est la désillusion assurée.
Prendre un avion et voler quand on a envie pour le plaisir, ça n'a rien à voir de devoir obeir à un management incompétent souvent, à être le pion de service et se lever à 3 ou 4h du matin pour faire 5 étapes à la chaine.
Pour en revenir donc à la remarque sur l'amalgame, est que, nous, pilotes, on est de grand "joueurs". On considère souvent qu'on va faire un métier "amusant" et passionnant, bref qu'on va s'éclater à chaque vol.
Quelque part, on n'a pas envie de travailler justement. Alors on veut faire pilote. Car on se dit que la vie de 9h à 17h, c'est une vie de routine, déprimante etc... sauf qu'il y a plein de boulot au sol, non routinier. Pilote, a vraiment sa grande part de routine aussi.
Alors que c'est un boulot plutôt très exigeant, "piloté" par un management exigeant aussi.
Donc premièrement, la limite vient de là. Bien faire la différence entre la passion, le loisir et la vie ensuite à droite à gauche.
Car faut pas se leurrer, la plupart des jeunes pilotes auront (comme j'ai eu) des contrats à la mort-moi-le-noeud, de type off-shore, des CDD, et avec un avenir TRES incertain.
Je pense que beaucoup de jeunes brevetés (cpl ir mcc) connaissent ce genre d'incertitude sur leur avenir (quand vais-je être recruté, où, chez qui...etc)
Et bien, en étant pilote à l'étranger (car c'est presque sûr que cela arrive), faut pas croire, ce sont presque les mêmes incertitudes qui reviendront ! et quand on en prend conscience, c'est pas évident.
Tout ça n'est pas pour peindre en noir, en rose , en gris, c'est juste pour décrire la réalité de certaines choses. En gros, si vous aimez la vie de bohème, alors, pas d'inquiétude vous vous y plairez. Personnellement, ce n'est pas à ce que j'aspire. Je vieillis et souhaite plutôt me ranger tout simplement.
Un truc à prendre en compte dans l'équation, c'est l'âge.... le jeune de 20 ans tout motivé, changera sa vision des choses à 30 ans. Et là c'est pas toujours con d'avoir d'autres skills que pilote.
Concernant la remarque par Beech92, sur le fait de s'expatrier n'est pas normal... je suis 100% d'accord avec toi. J'étais en Chine, donc je connais le changement radical de culture.
Alors on lit souvent qu'il faut se bouger les fesses pour partir, chercher un job. Oui bien sûr, mais il n'y a pas de mal à faire des choix. A ce que je sache, la plupart des autres métiers, y a pas besoin d'aller à perpette les olivettes non plus. Sinon il y aurait vraiment beaucoup de malheureux sur notre petite planète.
Un point aussi sur l'expatriation. On se sent courageux, on se dit qu'on va faire on expérience, qu'on va revenir... c'est loin d'être aussi facile. Déjà, en tant qu'expatrié, on prend peur de voir le nombre de concurrents étrangers (on se rend compte qu'on est pas le seul petit courageux ), des mecs 10 fois plus expérimentés que nous. Donc certes, revenir, mais vous n'allez pas être le seul ^^
Quant à la remarque de fernousdu972, je ne suis pas d'accord sur les "vrais passionnés".
Comme j'ai dit, c'est un métier, avoir la passion de : partir en temps en heure, que tout soit en règle, respecter les procédures sinon taper sur les doigts, voler en état de fatigue, voler dans des condition Mto pourries (stressant !), être presque en fin de duty time (et de nuit !!!! ) et avoir un pu*** de problème avec la maintenance....finir une longue journée d'étapes, et attendre ton mini bus pour faire 40 min de trajet jusqu'à l'hotel, bref j'en passe et des meilleures. Tout ça faut le vivre de toute façon. Avant on ne s'en pas compte en fait.
Faut bien se mettre un truc dans le crâne : la plupart (on ne va dire tous quand même) des pilotes ont tous commencé avec passion !
Avec ma moitié, on prévoit de fonder notre petite famille. Je l'ai prévenu, je n'encouragerais aucun de nos futurs enfants à suivre mes pas. Et elle est plutôt d'accord avec moi, non pas qu'elle n'aime pas le métier, mais elle s'inquiéterait à leur avenir... (ah les femmes

)
Pour ton cas Beech92, je dirais que tu ne risques pas grand chose à priori. Surtout essaie de garder ton job à côté ou alors t'assurer tout simplement que tu puisses y retourner.
De nos jours, j'insiste bien, de nos jours, semer autant de graines pour récolter du pourri la plupart du temps (contrats pas top du tout), je dirais que ça ne vaut vraiment pas le coup. Cela n'engage que moi.
Maintenant, si on est sûr de finir chez Cx ou Lufh, ou AF etc, là ok, no problem !!
Autre chose de plus positif

, ne voyez pas QUE la ligne, je vous en supplie ! On peut s'éclater bien plus ailleurs (c'est très souvent le cas en plus). Des connaissances s'éclatent en instruction, en aviation d'affaires, ou dans le travail aérien. Pilote est une fonction, pas un seul métier.