Différences CDVE Airbus/Boeing

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- Capten -
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Différences CDVE Airbus/Boeing

Message par - Capten - »

Bonjour,

En quoi se distinguent les commandes de vol d'un Airbus (type A320) et d'un Boeing (type B737) ?
Ce sont bien des commandes de vol électriques dans les 2 cas ?
J'entends parfois dire que les Boeing ont des commandes de vol hydrauliques et les Airbus des commandes de vol électriques...

Merci
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Dubble
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Re: Différences CDVE Airbus/Boeing

Message par Dubble »

Hello,

Ici tu "sembles confondre" deux choses : le mode de pilotage c'est à dire l'élaboration de l'ordre, et le mode d'actuation (désolé pour l'anglicisme) c'est à dire la manière d'appliquer la force requise.
Sur un petit avion, tu as des câbles. Le mode de pilotage est manuel, et le mode de puissance aussi. Le pilote élabore l'ordre dans son cerveau puis l'applique directement à la force de ses petits bras.
Sur des avions plus gros, au début c'est identique mais c'est juste plus difficile (par exemple un beech baron), puis on rajoute progressivement des dispositifs pour l'aider.
Par exemple on peut rajouter des cornes sur les gouvernes, des servo-tabs, qui vont venir augmenter, faciliter l'effort musculaire du pilote.
Cela reste des systèmes purement mécaniques qui ne sont pas vraiment sujet à pannes d'alimentation, seulement sujets à la rupture.
Ici on parle d'avions aussi gros qu'un ATR, qui a un système de cornes, servo tab, ressorts pour augmenter la fourniture de puissance qui est purement musculaire (au moins pour les ailerons, dont j'ai étudié le mécanisme en détails dans le cadre du boulot, je crois que le reste aussi).

Ensuite on passe sur des avions encore plus gros. Là on a plus le choix, il faut utiliser une puissance artificielle, hydraulique, ou électrique, pour remplacer les petits bras du pilote, devenus insuffisants. D'autant plus que les artifices aérodynamiques tels que les cornes, servo tabs, constituent une trainée inutile et sont problématiques à haut mach.

Le B737 tout comme le 320 utilisent des vérins hydrauliques pour actionner les gouvernes. Sur certains avions plus modernes on a un mix hydraulique/électrique, voire on pourrait envisager aussi des commandes à actuation purement électriques.

Quand on parle de "commandes électriques" ça ne veut rien dire, parce que ce terme est apparu comme simplification ou raccourci de "commande à loi informatique" ce qui n'est pas une terminologie utilisée mais qui est plus précise. Commandes électriques pourrait vouloir dire commandes à actuation électrique, mais si à l'époque ça n'existait pas donc ça ne gênait pas, aujourd'hui ça le devient.
A ce titre et pour préciser, le 737 tout comme le 320 sont dans une posture sacrément mauvaise si la totalité des circuits hydrauliques sont en panne.

Le 737 a donc des commandes de vol dont les ordres sont élaborés uniquement par le cerveau du pilote et transmis directement à des vérins hydrauliques. La différence avec le 320 réside dans l'existence d'un intermédiaire, la loi de commande de vol. Le cerveau du pilote n'élabore plus un ordre pour les gouvernes, mais une demande à l'avion. C'est l'avion qui traduit ensuite cette demande en ordre pour les gouvernes, au travers d'une loi de commande de vol. Cette loi peut se décliner sous plusieurs formes selon les capacités de l'avion à ce moment là, c'est à dire 99.9% du temps la loi normale.

La loi normale est commune à tous les avions à commandes de vol électriques (commandes de vol informatisées devrait-on dire), ou se base sur un principe commun, à ma connaissance, c'est à dire la loi C*.

La loi C* définit un fonctionnement qui mélange le facteur de charge et la cadence d'assiette. C'est l'explication donnée usuellement, mais le facteur de charge est obtenu par une cadence d'assiette...
Quand le pilote tire, de manière générale, veut-il du facteur de charge ou de la cadence d'assiette ? Cela revient un peu au même, mais la manière de les mélanger doit influer sur le ressenti aux commandes de l'avion. On entre ici dans des considérations de pilote d'essai.

Déjà, la première chose à constater avec une loi C*, c'est que l'avion devrait être plus réactif aux commandes.
L'équation de la loi est C* = Nz + Veq*θ'/g
On a vu dans le topic pilotage analytique : aide mémoire que le facteur de charge Nz peut s'exprimer k*q*V
On a donc "C* = q(k1V + k2Veq)"
C* est donc proportionnelle, quelque part à q. (Quelque part, et entre guillemets, car l'équation prend bien le facteur de charge réel, et pas une approximation basée sur la variation d'assiette. Le facteur de charge réel dépend aussi de la variation de vitesse, et ici de manière non linéaire, et aussi des rafales qui peuvent créer une variation d'incidence sans variation d'assiette ! Je pense que cette simplification de l'équation ne doit pas être utilisée passé ce premier paragraphe ci dessous)

Sur un avion conventionnel, c'est différent.

Pour détailler ici, il faut s'intéresser aux équations. Sur un avion conventionnel, le pilote tire, techniquement parlant il applique un moment de tangage à cabrer constant. Ceci est proportionnel dans l'équation à l'accélération de tangage. C'est à dire que si un ordre constant est appliqué à cabrer, sur un avion conventionnel cela veut dire : Moment = constante => q' = constante, c'est à dire que q part en rampe.
Sur un avion à loi de commande C*, C* (l'ordre au manche) = constante => q = constante.
La cible q est obtenue immédiatement proportionnellement à l'ordre au manche, alors que sur un avion conventionnel ce n'est pas le cas.

La seconde chose très importante à constater, c'est même le fondement de cette loi, c'est qu'elle n'induit aucune stabilité en vitesse.
Imaginons un avion en palier, victime d'un déficit énergétique (pas assez gaz), manche au neutre.
C* = 0 (manche au neutre), c'est à dire 0 = Nz + k*q. Les commandes de vol ne pouvant pas encore lutter contre un déficit énergétique*, l'avion ralentit. Initialement Nz est négatif (il faut le voir ici en delta Nz hein, les passagers ne sont pas collés au plafond), donc q devient positif, l'avion cabre tout seul. Ce faisant il retrouve un facteur de charge qui lui permet de maintenir quasiment le palier.
(*chose assez cruciale à intégrer...)

Ensuite, il faut s'intéresser à la dichotomie de cette loi entre facteur de charge et cadence d'assiette.
La variation de facteur de charge pour un degré d'assiette étant proportionnelle à la vitesse (même plus en réalité parce que proche du décrochage on peut cabrer sans le moindre facteur de charge positif), à haute vitesse (on parle ici d'avions qui ont un ratio de quasiment 4 entre leur vitesse la plus lente et la plus rapide, pas forcément le DR400 du dimanche.. peut-être que certains planeurs ou ULM peuvent retrouver ce style d'écarts) pour une toute petite variation d'assiette on aura un grand facteur de charge.
Inversement à basse vitesse, on peut cabrer l'avion sans rien ressentir en g. Donc la loi de commande de vol en tient compte et contrôle à haute vitesse principalement le facteur de charge, et à basse vitesse principalement la cadence d'assiette.
A l'extrême, mettons nous proche du décrochage. Dans la partie arrondie de la courbe de Cz. Si j'augmente l'assiette, je n'ai pas plus de facteur de charge. Une loi moins intelligente purement basée sur le facteur de charge ne fonctionnerait pas, la demande du pilote serait inatteignable. Ici, comme C* = Nz + Veq*θ'/g, si la partie Nz ne peut contribuer pour satisfaire la demande de tangage du pilote, la partie theta' pourra. Et l'avion pourrait donc cabrer, quitte à bien trimmer en arrière et crasher l'avion. Raison pour laquelle cette loi nécessite des protections, mais c'est une autre histoire.

Et si l'avion réagissait purement en cadence d'assiette ? Comme Nz = k*q*v, on aurait un avion qui appliquerait 4 fois plus de facteur de charge à haute vitesse qu'à basse vitesse, pour le même ordre au manche ! Ingérable. Déjà que le pilotage à haute vitesse est extrêmement sensible sur les avions de ligne, là aussi on aurait un risque d'aller décrocher très facilement, soit tout de suite en tirant 1.5g alors que l'avion n'en est pas capable, soit peu après en montant très vite et en perdant de la vitesse tout aussi vite.
NB : ce problème existe déjà dans les avions C* actuels, il serait encore plus accentué si la loi était purement en cadence d'assiette.

Si on résume, la partie Nz évite de faire trop cabrer l'avion à haute vitesse, la partie q permet de satisfaire la demande de tangage du pilote à basse vitesse.

C'est pour ces deux précédents problèmes qu'une nouvelle loi a été développée. La loi C*u.
Celle ci reprend exactement le même principe que la loi C*, mais rajoute un terme en vitesse.

C* = Nz + Veq*θ'/g - (V-Vtrim)*k. Si la vitesse est au dessus de la vitesse de trim, avec C* = 0, il y a un terme négatif, les deux autres doivent être positifs pour compenser, l'avion cabre. Le comportement obtenu est plutôt naturel, et compense intrinsèquement les couples liés aux volets, trains, spoilers.

Cette loi est passionnante elle aussi, mais ce sera l'objet d'un autre post sur les lois de Boeing, celui-ci étant déjà bien assez long.
Voici donc la différence entre Boeing et Airbus.
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